Le verdict dans l'affaire du détournement de 21 milliards DA de la Banque nationale d'Algérie (BNA) a été rendu hier par le tribunal criminel de Sidi M'Hamed au terme d'un procès qui a duré douze jours et pris fin ce jeudi après-midi. Le juge Reggad, président du tribunal criminel de Sidi M'hamed, a prononcé, après 30 heures de délibérations, des peines allant de l'acquittement à 18 ans de prison ferme. L'inculpation pour « association de malfaiteurs » a été retenue par le tribunal. De ce fait, il a prononcé une peine de 18 ans de prison ferme contre Achour Abderrahmane et son associé Aïnouche Rabah. Il a également condamné à 14 ans Settouf Djamel (beau-frère de Achour), Belmiloud Mustapha (directeur de l'agence BNA de Cherchell). Le deuxième beau-frère de Achour, Settouf Baghdad, a écopé d'une peine de 12 ans de prison. Deux peines de 10 ans de réclusion ont été retenues contre Kherroubi Lakous (sous-directeur de l'agence de Cherchell) et une peine de 8 ans de réclusion a été prononcée contre sa secrétaire Mme Hassiba. Par ailleurs, 5 accusés ont bénéficié d'un acquittement. Le procureur général avait requis des peines allant de 2 à 20 ans de prison ferme assorties d'amendes de 5 millions DA à l'encontre des 24 accusés. Durant une plaidoirie de deux heures, il a qualifié l'affaire « d'exceptionnelle » par rapport à la méthode du détournement et au trou financier causé à travers la mise en place d'un plan ficelé pour l'exécution du projet criminel. 176 MILLIARDS DE CENTIMES RETIRES EN 3 MOIS Le représentant du ministère public est revenu sur le retrait des sommes d'argent faramineuses des agences de la BNA surtout celle de Cherchell qui a joué, selon lui, « le rôle principal » dans le détournement. Tout en précisant que l'entente entre les directeurs des différentes agences de la BNA a facilité le délit « sous la coupe du meneur qu'est le cerveau principal, Achour Abderrahmane, contre lequel l'enquête a prouvé que sa relation avec les cadres de la banque n'était pas du tout commerciale mais très intime ». Le magistrat s'est longuement attardé sur les relevés de compte des accusés surtout celui de Settouf Djamel dont un document prouve qu'il a effectué en l'espace de 3 mois près de 161 opérations au niveau de l'agence de Koléa où il a pu retirer 176 milliards de centimes. « On aurait souhaité que l'argent volé n'ait pas été transféré à l'étranger et que Achour l'ait investi ici en Algérie », clame le procureur qui n'a pas manqué de relever que Achour et ses complices ont tous fui le pays vers le Maroc à la même période. « Comme par hasard, ils se sont retrouvés tous dans le même lieu », note-t-il, tout en précisant que l'Algérie a dû négocier leur extradition contrairement à ce qu'ils ont déclaré sur leur « disponibilité » à rejoindre le pays. Pour lui, la BNA est la seule victime dans cette affaire. ACHOUR A VIDE LA BNA DE SON CAPITAL SOCIAL La défense de la partie civile avait estimé dans sa plaidoirie que la somme représente le salaire de 17 000 employés de la BNA ...pendant 45 ans et qu'il dépasse le capital social de la BNA. Me Chaoui a fait remarquer dans sa plaidoirie que la BNA serait dissoute aujourd'hui à cause de cette affaire si « elle n'a pas réintégré les réserves légales et exceptionnelles ». Pour l'avocat de la banque qui s'est constituée partie civile, l'intention criminelle existait ainsi que la notion de dissimulation. Il a incombé la responsabilité directement aux directeurs des agences qui ont déclaré lors des auditions n'avoir rien vu ni relevé de suspect. « La somme détournée représente 15 semi-remorques de billets de banque et personne n'a rien vu, c'est impossible ! », ironise-t-il avant de revenir sur les déclarations des inspecteurs chargés du contrôle qui n'ont pas relevé des anomalies. « Oui, le détournement a été fait d'une façon très intelligente, et n'était la lettre anonyme, personne n'aurait découvert le vol », observe Me Chaoui. La défense de la partie civile avait demandé le remboursement de 21,862 milliards de dinars, le montant détourné, et le paiement de 30% de sa valeur, soit 6,558 milliards de dinars pour les préjudices financiers et matériels, ainsi que 10% de la même valeur, soit 2,186 milliards de dinars, à titre de réparation. Les plaidoiries de la défense ont duré plus de deux jours.