Tarek Chebbi 30 ans, fondeur Ce jour là, Tarek, résidant à Dréan, à 15 km de Sidi Amar où se trouve le complexe El Hadjar, était de l'équipe du matin. Il sort de chez lui à 4h du matin pour prendre le transport du personnel. Arrivé à l'usine, il pointe à 5h exactement. Habituellement, il est chargé de prendre l'échantillon de fonte pour l'envoyer au laboratoire d'analyse pour conformité. Il estime que son travail est moins pénible que celui de ses collègues aciéristes. Toutefois, il manipule une fonte sortie du haut fourneau à 1350°C. Son souci durant le Ramadhan est de se lever le matin très tôt pour rejoindre son poste. Cependant, ses retards ne perturbent pas le fonctionnement de l'usine et la production, selon son chef hiérarchique. L'autre souci est la soif car il ne s'est pas encore habitué à des températures aussi élevées. Lorsqu'il est de l'équipe de l'après-midi (13h à 21h), il a juste le temps de rompre le jeûne avec des dattes et du petit-lait après avoir fini sa tâche en cours d'exécution. Pour le F'tour, il ramène de chez lui du Djari (une soupe, spécialité de la région), de la salade, du pain, de l'eau, de la limonade et le dessert. Quand il est de la 3e équipe, du soir, il fait une sieste l'après-midi pour pouvoir tenir jusqu'au lendemain à 5h car dans son travail, il n'a pas droit à l'erreur. Abdi Mohamed Salah 52 ans, 30 ans au complexe, 2e contremaitre Mohamed Salah fait partie des plus anciens de l'usine d'El Hadjar. Il est passé par tous les postes. Au moment d'El Adhan, il est encore à la tâche. Pour rompre le jeûne et faire sa prière, il dépend de la disponibilité des uns et des autres et du travail de production. Il alterne avec ses collègues ou poursuit son travail. Son souci, malgré une chaleur suffocante qui lui fait boire 5 litres d'eau par nuit, n'est pas le travail pendant le Ramadhan, mais son salaire qu'il estime très insuffisant. Ce deuxième contremaitre aciériste touche 55 000 DA. Pour un profil similaire au sien en Allemagne, le salaire est de 180 000 DA. En France, il est de 200 000 DA. Pour son repas : chorba, salade, kesra (pain traditionnel), bourek qu'il fait cuire sur place, limonade et le café, préparé sur place. Pour son s'hour, il se contente de petit-lait et d'un dessert. Mohamed Amri 40 ans, couleur depuis 3 ans Mohamed est en poste avec 5 autres collègues. Chaque semaine, l'un d'entre eux sort en congé en accord avec son responsable. A ce poste de couleur, le travail est en continu et les conditions de travail à de hautes températures sont insupportables car l'ouvrier devra rester sur place debout à quelques mètres d'un acier chauffé à 1400 C° durant 1 h en moyenne sans bouger pour surveiller la coulée. Quand Il est de l'équipe de l'après-midi, Mohamed mange sur son lieu de travail avec ses collègues. Il a juste le temps de rompre son jeûne avec des dattes et du lait quand son collègue le relève. Nacer Sehili 34 ans, couleur Nacer effectue le même travail que son collègue Mohamed. Il fait partie des deux cas qui n'ont pas résisté au Ramadhan 2011 durant une journée. Il a bu de l'eau. « J'ai été pri de vertiges et j'avais mal, je n'en pouvais plus », raconte-il. Il s'en souviendra toujours car il a vécu un « dilemme » : rompre son jeûne ou pas. Pourtant, durant les années 1980, une fetwa a été énoncée permettant à ceux qui accomplissent des travaux pénibles de ne pas jeûner. Mais cette permission n'avait pas un effet permanent. A ce jour, confient les travailleurs du complexe sidérurgique Arcelor Mittal d'El Hadjar, « nous ignorons si une autre fetwa a vu le jour ». Gilbert expatrié français Cet expatrié, sur les douze qui travaillent à Arcelor Mittal Annaba, a jeûné une semaine du Ramadhan 2011. « Un essai », a-t-il signalé en relevant que « lorsqu'on veut le faire c'est encore plus dur ». Mais le plus surprenant, c'est que « l'Islam autorise à ne pas jeûner dans des conditions pénibles de travail comme ceux dans lesquels évoluent mes collègues de l'usine ». Alors Gilbert est impressionné face à ces collègues jeûneurs qui « sont plus attentifs ». Et le paradoxe est qu'« il n'y a pas d'accidents, et la production augmente ». Il déplore qu'en ville « tout est fermé à partir de 17h ». Cette année, Gilbert n'a pas encore jeûné, mais rien ne dit qu'il ne tentera pas une nouvelle fois l'expérience.