Un vrai casse-tête autant pour les grandes marques commerciales soumises au racket du cybersquatting, que pour des Etats obligés de protéger certaines appellations qu'ils considèrent faire partie de leur patrimoine identitaire. Pour contacter une personne sur Internet, il faut saisir une adresse, unique pour permettre aux ordinateurs de s'identifier entre eux. Cette adresse est composée de deux éléments : celui qui précède et celui qui suit « le point ». La partie située à droite du point, comme « com », « net », « org », etc., est appelée « domaine de premier niveau » ou TLD (Top-Level Domain). Dans chaque cas, une société (appelée « registre ») est en charge de tous les domaines dont le nom se termine par ce TLD particulier, et a accès à une liste complète de tous les domaines situés directement sous ce nom, ainsi qu'aux adresses IP auxquelles ces noms sont associés. La partie située avant le point correspond au nom de domaine enregistré et qui est utilisé ensuite pour fournir des systèmes en ligne, comme des sites web, des services de messagerie électronique (e-mail), etc. Ces domaines sont vendus par un grand nombre de « registres », qui sont libres d'appliquer les tarifs qu'ils souhaitent, bien que dans chaque cas ils doivent acquitter une redevance par domaine au registre particulier sous lequel le nom de domaine est enregistré. A ce jour, il y a en tout 233 millions de noms de domaine déposés à la fin du premier trimestre 2012 selon Verisign opérateur mondial des extensions sur Internet. Depuis le premier trimestre 2011 seulement, 23 millions de nouveaux ont été ajoutés, soit une augmentation de 11 % en un an. Parmi cette masse en constante progression, 116,7 millions sont en .com .org et .net, c'est à dire des domaines actifs de premier niveau (top-level domain en anglais abrégé TLD), au sommet de la hiérarchie du système des noms de domaine. L'extension .com étant de loin la plus importante puisqu'elle totalise à elle-seule près de 100 millions de noms de domaine déposés. Cette explosion de la demande sur des noms de domaines ne se fait pas sans difficultés, notamment pour les grandes enseignes internationales souvent assujetties au phénomène du cybersquatting, ou comme on eut le lire sur le site wikipedia, le cybersquattage ou « pratique consistant à enregistrer un nom de domaine correspondant à une marque, avec l'intention de le revendre ensuite à l'ayant droit, ou d'altérer sa visibilité. » Un dérivé du cybersquattage (appelé typosquatting) consiste à enregistrer des noms de domaine avec une faute de frappe (par exemple wwikipedia.fr). Certains sites enregistrent ainsi ces noms de domaines pour éviter de se les faire « voler » (gogole.com pour google.com par exemple). Il existe aussi une forme engagée du cybersquattage qui permet d'exprimer son mécontentement envers une entreprise ou une organisation, par exemple le www.front-national.fr pointe vers le site de Sos Racisme ou le www.u-m-p.fr qui pointe vers le site AntiSarkozy ou encore www.ft1.fr qui pointe vers diverses pages web qui concernent Tf1. Chargé de statuer sur ces questions, l'organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) n'en finit pas de s'en encombrer. Près de 3.000 jugements prononcés en 12 mois, ce qui, de l'avis de beaucoup d'analystes, « est un record ! » Dans un article publié le 28 août dernier, le journal britannique The Guardian, rapporte que « les litiges relatifs à la propriété des noms de domaines devraient atteindre un record cette année, alors que l'importance croissante des achats en ligne déclenche une vague de contestations de la part des titulaires de marques renommées ». Pour preuve, les 2.944 cas jugés par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) entre août 2011 et le 31 juillet 2012, selon l'étude réalisée sur cette période par Sweet and Maxwell, éditeur britannique spécialisé dans les publications juridiques. D'après l'étude, ce nombre de cas, en augmentation de 6 % par rapport au mois de juillet 2011, serait le plus important enregistré depuis 2007 et annoncerait déjà une année record. La flambée du cybersquatting venu de Chine pourrait être à l'origine de la hausse du nombre de cas recensés. Parmi les marques célèbres qui ont déposé plainte durant les 12 derniers mois, Armani, Burberry, Cartier, Dior, Swarovski. C'est ainsi que, pour 6 demandes déposées auprès de l'OMPI, Gucci aurait récupéré le contrôle de plus de cent noms de domaines, rapporte Sweet and Maxwell. De même, Apple a pu reprendre en mai dernier le contrôle du nom de domaine iphone5.com alors que la société n'avait à cette date aucun produit portant ce nom. Un phénomène qui trouve ainsi son explication aux yeux de John Olsen, associé du cabinet d'avocats Edwards Wildman : « Comme le commerce en ligne devient plus rentable, les titulaires de marques prennent la défense de leurs noms de domaine beaucoup plus sérieusement. Ils font le maximum pour protéger leurs sources de revenus. Les noms de domaine sont la clé qui ouvre la porte du commerce en ligne ». Autre casse-tête, pour certains Etats contraints de protéger leur visibilé et, partant leurs intérêts sur le net. Lasse de la monotonie de son suffixe .ch, la Suisse vient de se pourvoir auprès de l'ICANN pour un adressage plus authentique et mieux valorisant. Son Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) a déposé un dossier pour le domaine Internet .swiss, auprès de l'organisation internationale de gestions des noms de domaines ICANN. En déposant une demande .swiss, le DETEC souhaite ainsi préserver « les intérêts de la Suisse » et éviter une monopolisation ou un usage abusif par des tiers de la dénomination géographique « Suisse », a fait savoir le Département. Selon le DETEC, le domaine Internet .swiss permettrait à la Suisse, d'une part, d'accroître sa visibilité internationale dans tous les domaines, celui de l'économie également. D'autre part, la valeur et le prestige de la culture, des produits et des services suisses en seraient renforcés à long terme. La Suisse espère ainsi accroître la confiance des consommateurs, en ce qui concerne les marques, par exemple. En outre, avec le domaine .swiss, la signification géographique, linguistique et sociale du mot « Swiss » sera protégée. Le DETEC estime également que l'extension .swiss est beaucoup plus claire et identifiable que .ch. Si le suffixe .ch est très bien compris en Suisse, il entraîne souvent des confusions à l'étranger, avec la Chine (.cn), par exemple. En revanche, « Swiss » a une signification évidente dans le monde entier.