Pour relancer le processus de paix israélo-palestinien, au point mort depuis septembre 2010, la Ligue arabe qui a proposé à Israël en 2002 une normalisation des relations en échange de son retrait des territoires occupés depuis juin 1967, de la création d'un Etat palestinien avec Al Qods-Est pour capitale et d'un règlement « équitable et agréé » de la question des réfugiés palestiniens, fondé sur la résolution 194 de l'Assemblée générale des Nations unies, fait une concession de taille : elle accepte le principe d'un échange de territoires entre Israël et les Palestiniens. C'est John Kerry, le secrétaire d'Etat américain qui a révélé cette concession après une rencontre à Washington avec quelques ministres arabes des Affaires étrangères, dont Hamad ben Jassem ben Jabr Al-Thani, dont le pays, le Qatar, préside le comité de suivi de l'initiative de paix arabe. « Contrairement à la proposition arabe pour la paix au Proche-Orient de 2002 qui ne parlait que des lignes de 1967 et de rien d'autre, les pays arabes sont prêts désormais à accepter les frontières de 1967 avec des ajustements reflétant un accord mutuel sur des échanges de territoires », explique le chef de la diplomatie américaine qui a, le 9 avril, qualifié l'initiative de paix arabe. Israël accueille favorablement cette « inflexion » arabe. « Il s'agit certainement d'une étape importante et je m'en réjouis », admet Tzipi Livni, la ministre israélienne de la Justice et la chargée du dossier des négociations avec les Palestiniens. « Nous sommes prêts à des changements, quelque chose qui permettra aux Palestiniens, je l'espère, de revenir à la table des négociations et de faire les compromis nécessaires » (...). « Cela envoie aussi un message aux citoyens israéliens : nous ne parlons plus seulement aux Palestiniens, il y a un groupe de pays arabes qui disent : “Si vous parvenez à un accord avec les Palestiniens, nous ferons la paix avec vous, nous normaliserons les relations” », ajoute-t-elle. « Cette annonce n'est pas quelque chose de nouveau. Elle reflète la position officielle palestinienne », estime Saëb Erakat, le négociateur en chef palestinien. « En échange de l'acceptation sans équivoque par Israël de la solution à deux Etats sur la frontière de 1967, l'Etat de Palestine en tant qu'Etat souverain pourrait envisager dans le cadre d'un accord des modifications frontalières mineures égales en superficie et en qualité, dans la même zone géographique, et qui ne porteraient pas préjudice aux intérêts palestiniens », dit-il ajoutant ainsi « un bémol » à l'enthousiasme de Kerry. En mai 2010, les Palestiniens qui avaient affirmé qu'ils étaient « prêts à envisager des modifications mineures de la frontière sur la base d'échange de territoires au ratio de 1 pour 1, de même taille et valeur, dans la même zone géographique » ont exclu « toute discussion sur les échanges de territoires qui prennent pour référence les blocs de colonies », disant vouloir « discuter des possibles échanges colonie par colonie ». Autrement dit, Israël qui a reconnu au plan de paix arabe des « aspects positifs », veut davantage de concessions. Notamment « l'oubli » des lignes d'avant la guerre de 1967, du retour des réfugiés et d'El Qods orientale comme capitale de la Palestine. Selon Hussein Ibish, du centre de réflexion American Task Force on Palestine, « le scepticisme face à la perspective d'un accord de paix n'a jamais été aussi fort depuis 20 ans ». Et pour cause ! Benjamin Netanyahu, le Premier ministre israélien, a « recadré », hier, à sa façon, le conflit. « Ce n'est pas un conflit territorial. Notre conflit porte sur l'existence même d'un “Etat juif” », dit-il. « L'absence de volonté des Palestiniens de reconnaître l'Etat d'Israël comme l'Etat-nation du peuple juif, voilà la racine du conflit », explique-t-il réitérant sa disponibilité à reprendre « sans condition préalable » des négociations avec Mahmoud Abbas. « Si Israël accepte de venir à la table des négociations en affirmant à l'avance qu'elles se dérouleront sur la base des lignes de 1967, il ne restera pas grand chose à négocier », estime son ministre des Communications Gilad Erdan. Ban Ki-moon, le SG de l'ONU, rappelle l'urgence de la reprise du processus de paix. « Il est urgent de mener cette année une action concertée en faveur de la paix si l'on veut sauver la solution des deux Etats », dit-il dans un message à la réunion internationale des Nations unies sur la question de la Palestine qui s'est ouverte lundi à Addis-Abeba (Ethiopie).