Durant deux jours, les élus, dont près d'une quarantaine sont des avocats de profession, se relaieront en plénière pour décortiquer les principales dispositions du texte qui contient 134 articles. Demain, après la fin du débat général, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, répondra aux députés de la Chambre basse du parlement. L'importance du texte s'explique par la place que jouent les robes noires dans l'instauration de l'Etat de droit. Nulle justice ne peut se prétendre souveraine si les droits et les obligations de l'avocat ne sont pas définis et délimités. C'est grâce à lui que le citoyen peut se rassurer sur son sort et voir ses droits préservés et consacrés. L'attente était d'autant plus exacerbée qu'à l'ère des réformes politiques, des amendements introduits aux textes importants qui régissent le fonctionnement de la justice, la corporation ne disposait pas d'un statut. Celui de 1991 est largement dépassé. « La mondialisation est passée par là et une adaptation est urgente », constate Me Abderazzak Chaoui, membre du barreau d'Alger. L'avant-projet a mis du temps pour « atterrir » à l'APN. Il a été remanié à plusieurs reprises. Beaucoup d'avocats, dont le nombre dépasse les 12.000 à l'échelle nationale, estimaient qu'une trentaine d'articles portaient atteinte au droit de la défense. Projet consensuel Pour s'élever contre ces dispositions, des grèves, des marches et le boycott des audiences ont été organisés durant ces deux dernières années. Le ministère de la Justice a décidé de revenir sur certaines dispositions. Beaucoup d'avocats, à l'instar de Me Chaoui, s'échinent à rappeler que « la profession sans être nullement au-dessus des lois est indépendante et libérale et n'a pas à être sous la tutelle comme une entreprise publique ». « Les mesures disciplinaires doivent relever de l'autorité des bâtonniers et non des procureurs par ailleurs, respectables », ajoute-t-il. Le président de l'Union des barreaux d'Algérie, Me Anwar, estime par contre, que « globalement, le projet de loi ne porte pas atteinte aux droits et aux libertés de la défense ». Il y a quelques mois, le président de l'Union avait conduit une délégation de 15 bâtonniers à une rencontre avec les membres de la commission juridique de l'APN pour débattre le contenu du projet de loi déposé par le ministre de la Justice. La dernière mouture semble en effet consensuelle, même si certains articles ne font pas l'unanimité. Avec l'arrivée de Mohamed Charfi, les contacts entre la chancellerie et les avocats avaient repris. Un groupe de travail mixte avait été chargé d'élaborer une autre mouture. Certains articles, objets de contestation, ont été remodelés par le groupe de travail mixte. Ainsi, dans la précédente mouture, l'article 9 interdit à l'avocat de quitter l'audience en cas de violation du droit à la défense, alors qu'il a le droit de protester ou de boycotter l'audience. Dans son article 24, le projet de texte prévoyait dans sa précédente version des poursuites pénales contre un avocat s'il est l'auteur d'un incident d'audience. Dans le nouveau projet de loi, les incidents d'audience relèvent du ressort du bâtonnier et du président de la juridiction qui doivent trouver une solution à l'amiable. « Nous avons sensibilisé les membres de la commission juridique du Parlement ainsi que de nombreux députés sur l'importance de ce projet de loi, et surtout sur les articles qui posaient problème. Nous avons été entendus et nos préoccupations ont été prises en compte. La commission a examiné la mouture du ministre de la Justice, et a, elle aussi, apporté quelques changements, avant de soumettre la dernière mouture à débat », explique Me Anwar. Me Chaoui fera remarquer que le texte « squelettique passe totalement sous silence des questions comme l'ouverture des cabinets étrangers en Algérie, la formation des avocats qui doit être prise en charge par la corporation et la limitation des mandats des bâtonniers régionaux qui ne doit pas être illimitée ». L'adoption de ce projet est prévue pour le 2 juillet.