Les robes noires relevant du barreau de la capitale ont observé une journée de protestation contre le projet de loi portant profession d'avocat, déposé à la commission des affaires juridiques de l'APN. “La plupart des avocats ont suivi le mot d'ordre de boycott des audiences pour la simple raison qu'ils savent qu'il s'agit de revendications de droits fondamentaux, du statut de l'avocat et des droits de la défense.” C'est ce qu'a déclaré le président du Conseil du barreau d'Alger lors de la conférence de presse qu'il a animée, hier, à la cour d'Alger. Les avocats relevant du barreau de la capitale ont observé une journée de protestation contre le projet de loi portant profession d'avocat, déposé à la commission des affaires juridiques de l'APN. Dans la matinée, ils sont également tenu un sit-in devant la cour d'Alger. Le bâtonnier d'Alger, Abdelmadjid Sellini, a qualifié ce projet de loi “d'extrêmement dangereux pour les libertés et droits de la défense”. À ce titre, l'Ordre des avocats de la capitale a lancé un appel au premier magistrat du pays et à l'opinion publique pour soutenir sa revendication. En l'occurrence le retrait pur et simple de ce texte de loi. En effet, les robes noires ne croient plus aux promesses du ministre de la Justice. Ce dernier, selon les dires du bâtonnier d'Alger, s'est engagé devant le président de l'Union des barreaux au niveau national à prendre en compte les amendements et réserves de la corporation par rapport à ce projet de loi, en vain. “Ce projet de texte intervient au moment où le monde arabe connaît un printemps prometteur pour sa démocratisation et son entrée trop longtemps retardée dans la modernité et le progrès social. Une bureaucratie irresponsable entend nous engager dans la régression aux effets ravageurs à l'égard de toute velléité d'ambition pour la construction réelle d'un Etat de droit.” Pour Me Sellini, le texte de loi en question “est en contradiction avec les réformes initiées par le chef de l'Etat pour la consécration des droits fondamentaux. On veut mater la profession”. Le bâtonnier d'Alger soutient que le terme ministre de la Justice est utilisé dans ce projet de loi 42 fois et presque autant le terme ministère de la Justice. Ce qui équivaut à des citations pareilles dans un article sur deux. Globalement, les avocats dénoncent les dispositions se rapportant à l'incident de l'audience qui remettent en cause le principe de la libre plaidoirie et constituent une ingérence dans le pouvoir disciplinaire du bâtonnier. Ces articles suggèrent la suspension pure et simple de l'avocat en attendant de le déférer devant le conseil de discipline. “Il est donc coupable en attendant de prouver son innocence, contrairement à la procédure réservée au juge et au notaire”. L'obligation sera ainsi faite à l'avocat, menacé de poursuite pénale, de ne pas se retirer d'une audience même lorsque le déroulement d'un procès est biaisé. “Cela sachant, soutient le conférencier, que 90% des procès ne sont pas équitables et 95% des décisions de justice sont confirmées. Avec 100 dossiers par jour, un juge peut-il faire autrement ?” Ce qui offusque les avocats, c'est qu'un élément extérieur vient réglementer la profession. L'article 24 accorde une certaine autorité disciplinaire du parquet et du ministère de la Justice sur les avocats. Les décisions et les délibérations des assemblées et même le conseil de l'Union et l'assemblée générale des barreaux — qui est l'instance souveraine — seront ainsi sous le contrôle du ministre de la Justice qui peut donc soumettre à la censure des juridictions administratives les décisions et les délibérations des barreaux et de l'Union des barreaux. De même, le juge aura désormais la possibilité d'effectuer des perquisitions au niveau d'un cabinet d'avocat, sans la présence d'un bâtonnier ou de son représentant. Pour toutes ces raisons, le barreau d'Alger est déterminé à radicaliser ses actions de protestation, s'il ne reçoit aucun écho de la part de la tutelle à sa revendication.