Mohamed Laïchoubi, diplomate, ancien ministre du Travail et des Affaires sociales, a animé, hier au forum de la Chaîne III de la radio algérienne, à la Safex, une conférence portant sur « la recomposition géostratégique du nouvel ordre international » et ses implications sur le monde arabe et musulman, dont l'Algérie. Pour M. Laïchoubi, le nouveau système a « atteint ses limites » puisqu'il est « remis en cause, aussi bien de l'intérieur que de l'extérieur », se demandant si celui qu'on essaie de rebâtir, en ce moment, « serait plus juste, plus équitable dans son contenu », pour nous. Le conférencier est allé loin, faisant une rétrospective dans l'histoire, aux débuts de la colonisation, pour montrer que ceux qui sont censés être des humanistes n'avaient nullement exprimé d'opposition à l'idée de conquête, que ce soit pour Alexis de Tocqueville, père de la démocratie moderne, Victor Hugo, le chantre des misérables, ou encore Jules Ferry, partisan de l'école publique. Ils ont tous défendu et véhiculé un discours « fondé sur la hiérarchie des races », appelant à la colonisation de toute l'Afrique qui est une terre à prendre. Ce ton n'a pas changé, plus d'un siècle après, puisque le président français, Nicolas Sarkozy, le reprend à son compte dans un discours à Toulon, en 2005. Un discours qui « sera le support de son intervention dans le conflit libyen », précise le conférencier. M. Laïchoubi n'a pas survolé les autres étapes, toutes aussi intéressantes qu'importantes dans le mouvement de décolonisation, avec la montée des nationalismes, la guerre froide, la cristallisation du monde autour de deux pôles antagoniques (le bipolarisme), l'émergence du non-alignement comme force qui va peser dans les relations internationales. Seulement, pour lui, les grandes puissances, dont les USA, ont, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, imposé leur hégémonie et leur mainmise sur le reste du monde via des institutions financières tels le Fonds monétaire international, la Banque mondiale ou encore, pour ce qui est de l'aspect politique, le Conseil de sécurité où les cinq principaux pays disposent du droit de veto.M. Laïchoubi estime que « la stratégie (de conquête et de domination) n'a pas changé, c'est seulement le discours qui a pris une autre forme ». On assiste aujourd'hui à un discours sur le partenariat au Nord, alors qu'au Sud, c'est « l'affrontement, avec les guerres, l'immigration, l'insécurité... ». Mais l'essentiel est de savoir ce qu'il faut faire pour contrecarrer cette tendance hégémonique d'un modèle qui est affaibli et « contesté de partout », comme le précise le conférencier, sans oublier le fait qu'il est aussi concurrencé par les nouveaux pays émergents (qui pèseront 40% de l'économie mondiale en 2025) dont la Chine. La force d'une nation réside « dans sa production technologique », a rappelé le Dr Laïchoubi qui a insisté sur la formation des jeunes en masse dans ce domaine. « Nous devons, s'agissant de l'Algérie plus particulièrement, développer notre autonomie, bâtir une société plus développée qui offre de l'expertise », recommande M. Laïchoubi pour qui l'Europe est déjà fragilisée par les crises économique et financière et les divergences (franco-allemandes) sur « le rôle négatif des marchés financiers ».