«Qui veut la fin veut les moyens. Selon moi, toutes les populations [d'Algérie] qui n'acceptent pas nos conditions doivent être rasées, tout doit être pris, saccagé, sans distinction d'âge ni de sexe; l'herbe ne doit plus pousser là où l'armée française a mis le pied.» L-F. de Montagnac (1843). Suite aux exactions de l'armée en 1947, une commission parlementaire de 18 membres avec à sa tête Alexis de Tocqueville rédige un rapport. Pour ses écrits sur la réforme du système pénitentiaire, tenu, pour un spécialiste avisé des affaires étrangères et de la question algérienne, Tocqueville est un homme politique influent. En 1847 il n'intervient pas à titre personnel, mais au nom d'une commission ad hoc. On y lit: «Partout nous avons mis la main sur les revenus, ceux des fondations pieuses, ayant pour objet de pourvoir aux besoins de charité ou de l'instruction publique, en les détournant en partie de leurs anciens usages. Nous avons réduit les établissements charitables, laissé tomber les écoles et dispersé les séminaires. Autour de nous les lumières se sont éteintes, le recrutement des hommes de religion et des hommes de loi a cessé. C'est-à-dire que nous avons rendu la société musulmane beaucoup plus misérable, plus désordonnée, plus ignorante et plus barbare qu'elle n'était avant de nous connaître».(1). Nous allons voir que Alexis de Tocqueville, surtout connu comme l'auteur de l'ouvrage De la démocratie en Amérique a une autre face qui est de loin anti-démocratique. Ce qui nous amène à penser que ces idées objectives et réelles concernant la situation faite aux Algériens, n'est pas fondamentalement de lui, au vu des ses idées sur la colonisation et la façon de mener, de traiter les Arabes. L'avis des membres de la Commission des 18 membres a, certainement été déterminant et plus juste. Alexis de Tocqueville, dont le 200e anniversaire de la naissance est le 29 juillet, est certainement, pense André Fontaine, l'un des plus impressionnants des nombreux déchiffreurs de l'avenir qu'a comptés le XIXe siècle, et il n'est peut-être pas inutile, en un temps où beaucoup paraissent avoir pris leur parti de l'imprévisibilité de toutes choses, de citer in extenso sa célèbre prophétie sur le partage du monde, à ses yeux inévitable, entre l'Amérique et la Russie. Vision d'autant plus remarquable que l'auteur de De la démocratie en Amérique avait, au moment de la publication du premier tome, tout juste trente ans. (2). Analyste et théoricien de la démocratie, Tocqueville doit figurer aussi parmi les penseurs et les hommes politiques qui ont joué un rôle majeur au cours des premières années de la conquête de l'Algérie. Il enquête, lit, recherche et théorise l'expansion coloniale afin de promouvoir un vaste projet dont il juge la réalisation indispensable à la défense des intérêts et de la grandeur de la France. Il est donc une figure essentielle de la colonisation moderne à laquelle il apporte son intelligence, ses connaissances et son prestige. Tocqueville part étudier le régime des prisons aux Etats-Unis, histoire de voir si elle n'aurait pas intérêt à s'en inspirer. Mais, au-delà, il s'agissait, pour un pays qui avait depuis 1789 collectionné les révolutions, de voir comment les Nord-Américains s'y étaient pris pour n'avoir pas changé de Constitution depuis 1787.(2). On regrette qu'André Fontaine, un homme aussi averti, n'ait pas traité les deux facettes de la personnalité de Alexis de Tocqueville ; celle du démocrate connu et reconnu et celle du colonialiste sans état d'âme pour la condition des Algériens qui n'existent pas dans le destin qu'il veut pour l'Algérie. La vision du monde selon Tocqueville «...Mais ce qu'on voudrait surtout examiner ici, écrit André Fontaine, c'est dans quelle mesure le schéma qu'il a tracé, il y a près de deux siècles, du partage du monde reflète encore la réalité. (...) la force des idées simples continue de constituer des éléments essentiels de la puissance, n'est-ce pas aller un peu vite en besogne? L'espace: il avait suffi au jeune Alexis de Tocqueville de regarder la carte pour mesurer l'écart existant entre les dimensions des divers Etats d'Europe, habitués depuis des siècles à s'envahir mutuellement, et les formidables espaces ouverts aux ambitions tant de la Russie que de l'Amérique. «Il y a aujourd'hui sur la terre, écrit Alexis de Tocqueville, deux grands peuples qui, partis de points différents, semblent s'avancer vers le même but: ce sont les Russes et les Anglo-Américains. Tous deux ont grandi dans l'obscurité; et tandis que les regards des hommes étaient occupés ailleurs, ils se sont placés tout à coup au premier rang des nations, et le monde a appris presque en même temps leur naissance et leur grandeur. Leur point de départ est différent, leurs voies sont diverses; néanmoins, chacun d'eux semble appelé par un dessein secret de la Providence à tenir un jour dans ses mains les destinées de la moitié du monde.»(3). «Les autres peuples, pour coloniser, devaient franchir les mers; Russes et Américains n'avaient qu'à pousser, les uns vers l'est, les autres vers le Far West pour se répandre sur de vastes étendues jusqu'alors presque désertes. Comme on l'avait vu en 1812, comme on le reverra pendant la Seconde Guerre mondiale, les généraux russes disposaient d'un espace presque infini pour replier leurs troupes et préparer, avec le concours du général Hiver, l'écrasement des envahisseurs. Et Tocqueville avait prévu avec une parfaite clarté que les Américains n'hésiteraient pas, malgré tous leurs engagements, à s'emparer, le moment venu, d'un bon tiers du Mexique. (2). «Où en est-on aujourd'hui s'interroge André Fontaine. Avec 17 millions de kilomètres carrés comparés aux 9, grosso modo, des Etats-Unis, du Canada, de la Chine ou du Brésil, la Fédération de Russie est toujours, de beaucoup, le plus vaste Etat du monde. Elle a d'autant moins de chances d'être envahie qu'elle dispose toujours d'un arsenal nucléaire gigantesque et maintient des troupes dans plusieurs Républiques jadis fédérées au sein de l'URSS; mais elle a moins d'un million d'hommes sous les drapeaux, contre deux et demi aux Etats-Unis, dont le réseau de bases militaires et d'installations s'étend, selon une passionnante étude de Pierre Buhler dans Commentaire, sur 132 pays, parmi lesquels l'Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kirghizstan ex-soviétiques et l'Afghanistan, jadis envahi par l'Armée Rouge. Le budget militaire du Kremlin ne représente même pas le trentième de celui de l'Oncle Sam. «Le tableau est tout différent pour les ressources naturelles, que la Russie continue de posséder en abondance. Elle détient les plus vastes réserves mondiales de gaz et, après l'Arabie Saoudite, de pétrole, la flambée mondiale des cours des hydrocarbures contribuant largement à expliquer le net redressement, au cours des dernières années, de son économie. Pour la population, le déclin est impressionnant. Au moment de la sortie de De la démocratie en Amérique, les Etats-Unis avaient treize millions d'habitants, dont deux millions et demi de Noirs, pour la plupart des esclaves, d'où Tocqueville concluait que leur inévitable émancipation constituait la plus grande menace concevable pour la pax americana. Ils en ont près de trois cents millions aujourd'hui, ave aux de fécondité élevé à 2,1 et plusieurs centaines de milliers de naturalisations chaque année».(2).Nous voyons, déjà en filigrane son appréciation raciste concernant la dangerosité des Noirs. C'est ce même esprit qui fera de lui le boutefeu de la conquête en Algérie, naturellement avec un déni des droits élémentaires pour les populations indigènes. Nous y reviendrons. «La Russie, dont notre prophète notait que «de toutes les nations de l'Ancien Monde elle est celle dont la population augmente le plus rapidement», avait, sans compter les Polonais et les Finlandais, cinquante-deux millions d'habitants, dont vingt-cinq millions de serfs, à en croire les résultats de la «révision» de 1836. Mais elle a perdu des dizaines de millions de ses enfants au cours des deux guerres mondiales et des purges staliniennes, et elle voit sa population diminuer d'année en année, du fait d'un taux de fécondité particulièrement bas 1,1, d'une émigration non négligeable et d'une espérance de vie que l'alcool et le tabagisme, entre autres, ont ramenée, au moins pour les hommes, à des niveaux extrêmement bas. Tant et si bien qu'à l'heure qu'il est la patrie de Lincoln est plus de deux fois plus peuplée que celle de Pouchkine ».(2). «Plus que jamais, les Etats-Unis, que la secrétaire d'Etat de Bill Clinton, Madeleine Albright, qualifiait de «nation indispensable», se jugent investis de la mission de «rendre le monde sûr pour la démocratie» dont se réclamait en 1917 le président Wilson. A la différence de l'Amérique de George W. Bush, la Russie n'a plus aucune idéologie au nom de laquelle revendiquer un quelconque leadership international. Est-ce à dire que ceux-ci ont gagné la partie pour toujours et que George Bush a eu raison de conseiller aux autres puissances de s'en remettre à lui pour l'organisation de leur défense? Ave aux de croissance de quelque 3,3% pour l'année en cours, qui dépasse largement ceux du Japon et de l'Europe, avec des dépenses de recherche égales à la totalité des leurs, l'Amérique a pris une avance fantastique qui étaye à la limite la fameuse prédiction de l'expert en sciences politiques Francis Fukuyama sur la fin de l'Histoire. Nul doute en tout cas que si Tocqueville rééditait sa Démocratie en Amérique, il y ferait une large part à cette Asie qu'elle ignore superbement, parce que, pour reprendre la célèbre expression d'Alain Peyrefitte, elle ne s'était pas encore «éveillée». Il y ferait aussi sa place à l'Inde, qui sera bientôt plus peuplée que la Chine et qui a compris le parti qu'un grand pays en voie de développement peut tirer de la révolution informatique. Mais il continuerait de dédaigner l'Europe, dont chaque jour qui passe depuis le référendum souligne, hélas , l'incapacité à se prendre en main...(2). L'invasion de l'Algérie: la face cachée de Tocqueville Lundi 24 mai 1847, Assemblée nationale. Le député Tocqueville déclare, le fameux rédacteur de la démocratie en Amérique, nous dévoile sa vraie nature, il déclare: «La domination paisible et la colonisation rapide de l'Algérie sont assurément les deux plus grands intérêts que la France ait aujourd'hui dans le monde; ils sont grands en eux-mêmes, et par le rapport direct et nécessaire qu'ils ont avec tous les autres. Notre prépondérance en Europe, l'ordre de nos finances, la vie d'une partie de nos concitoyens, notre honneur national, sont ici engagés de la manière la plus formidable», Dès 1828, il s'était déjà prononcé en faveur d'une expédition militaire contre la Régence d'Alger et, quelques années plus tard, pour «la colonisation partielle et la domination totale» de cette dernière.(4). Comment atteindre ces deux objectifs ? La réponse de ce représentant est claire. Aux quelques philanthropes qui s'émeuvent des méthodes employées par l'armée, il rétorque: «J'ai souvent entendu (...) des hommes que je respecte, mais que je n'approuve pas, trouver mauvais qu'on brûlât les moissons, qu'on vidât les silos et enfin qu'on s'emparât des hommes sans armes, et des enfants. Ce sont là, d'après moi, des nécessités fâcheuses, mais auxquelles tout peuple qui voudra faire la guerre aux Arabes sera obligé de se soumettre. (...) On ne détruira la puissance d'Abd El-Kader qu'en rendant la position des tribus qui adhèrent à lui tellement insupportable qu'elles l'abandonnent. Ceci est une vérité évidente. Il faut s'y conformer ou abandonner la partie.»(5). Quels sont donc ces moyens réputés, s'interroge Olivier Lecour Grandmaison, conformes aux sensibilités de saison et au jus belli ? Le premier est l'«interdiction du commerce»; le second, le «ravage du pays». Et, pour conclure, cette personnalité, alors membre de l'Académie des sciences morales et politiques, et qui deviendra ministre des Affaires étrangères de la Deuxième République, ajoute: «Je crois de la plus haute importance de ne laisser subsister ou s'élever aucune ville dans les domaines d'Abd El-Kader» et de «détruire tout ce qui ressemble à une agrégation permanente de population». «Beaucoup de ses contemporains, les nôtres plus encore, tiennent ce parlementaire-écrivain renommé pour un modèle de tempérance qui n'a cessé de plaider, dit-on, en faveur de l'égalité et des libertés politiques, en un mot, pour la démocratie. En s'exprimant de la sorte, il sait avoir le soutien de la plupart des membres de l'Assemblée nationale... Il s'agit, comme il l'a déclaré quelques mois plus tôt, de «la plus grande affaire du pays, qui l'atteint dans son présent, qui le menace dans son avenir, qui, en un mot, est [...] à la tête de tous les intérêts que la France a dans le monde».(6). Déjà, écrit Olivier Lecour Grandmaison, la question algérienne transcende maints clivages partisans et autorise parfois des accords improbables au regard des confrontations qui divisent habituellement les élus et les responsables de ces temps. Ainsi verra-t-on le maréchal Bugeaud et l'ancien ministre socialiste Louis Blanc, par exemple, farouches adversaires que tout oppose sur le terrain de la politique intérieure, défendre des projets de colonisation voisins en 1848, et le premier approuver le second. Magie des «intérêts supérieurs» du pays. Les analyses de Tocqueville sont courantes; de même les propositions concrètes qu'il a faites pour réduire les résistances des populations «indigènes» et anéantir la puissance d'Abd El-Kader, leur chef principal. La lecture des textes et des discours de cette époque révèle, quelle que soit leur nature, une véritable passion collective pour l'ancienne Régence partagée par des élus, des militaires, des écrivains et des réformateurs venus de tous les horizons politiques.(7). «Ils ne sont pas les seuls; l'«opinion publique» elle-même, après avoir été «exaltée» par la révolution de 1830, s'est enthousiasmée pour la «conquête d'Alger», soutient Buret. «Coloniste» ardent, lui aussi est convaincu que l'«Afrique» est «une question de salut public et d'honneur national». Quant à la «guerre» menée outre-Méditerranée, il la conçoit comme une «chasse furieuse» exigeant de recourir à des moyens singuliers comparés à ceux employés à la même époque dans les conflits conventionnels qui se déroulent en Europe. C'est pourquoi il approuve les razzias, qui permettent d'«attaquer énergiquement l'ennemi » dans ses intérêts agricoles et de «lui rendre ainsi l'existence [...] malheureuse, jusqu'à ce qu'il reconnaisse notre force et se soumette». Que ce dernier parvienne à ses fins en Afrique, et son redressement adviendra; qu'il échoue, laisse entendre Tocqueville comme beaucoup d'autres avant et après lui, et le pire est à craindre sur le plan international comme sur le front intérieur. «L'abandon» de l'Algérie par la France «serait aux yeux du monde l'annonce certaine de sa décadence», écrit Tocqueville.(6). C'est le traité de Paris qui est dénoncé. Signé en 1763 pour mettre fin à la guerre de Sept Ans qui avait opposé l'Angleterre et la France, il eut pour conséquence la disparition des territoires les plus importants de l'empire à la suite de la défaite des armées de Louis XV. ...Cent deux ans plus tard, Prévost-Paradol y voit encore l'origine du déclin français qui a permis à la «race anglo-saxonne» de prendre «possession du globe habitable» alors que la France, consumée par les «guerres civiles» et étrangères, piétinait «dans les boues de la vieille Europe et dans [son] propre sang».(8). Après les recommandations délicates concernant la façon de faire en Algérie, Tocqueville va plus loin dans le déni de liberté: «Quoi qu'il en soit, on peut dire d'une manière générale que toutes les libertés politiques doivent être suspendues en Algérie.» Le célèbre, célébré et aujourd'hui consensuel Alexis de Tocqueville s'exprimait ainsi en 1841 alors qu'a débuté, dans des conditions atroces, la conquête de l'Algérie, et que depuis peu le général Lamoricière, un brillant militaire aux dires de ses contemporains, y applique des méthodes draconiennes. Massacres, déportations massives des populations, rapts, vols des récoltes et du bétail, razzias régulières, tels sont les moyens communément employés pour anéantir la puissance d'Abd El-Kader et asseoir la domination de la France sur le pays. «L'auteur de La démocratie en Amérique opte donc pour des mesures extrêmes comme le prouvent ses différentes positions. Partisan de l'interdiction du commerce pour les populations arabes afin d'accélérer leur ruine et de les affaiblir davantage, il préconise également le «ravage du pays», selon ses propres termes, et les expropriations massives. Opérées par des juridictions d'exception mises en place par l'Etat, ces expropriations permettraient de s'emparer rapidement des meilleures terres qui seraient ensuite revendues à bas prix aux colons.(...) Les Romains, se plaît-il à rappeler aux partisans d'une occupation armée sans colonie de peuplement, avaient coutume de remplacer les vaincus par des habitants de «la race conquérante» et de fonder de nombreuses «sociétés romaines transportées au loin»; il faut s'inspirer de ce passé pour la conduite de la politique en Algérie. Attirer dans ce pays de nombreux colons, tel est l'un de ses objectifs majeurs, et pour y parvenir il faut exproprier, expulser les habitants, déplacer des villages entiers afin d'octroyer aux Français les terres les plus riches.(9). «Le Tocqueville des écrits consacrés à l'Algérie scelle donc les noces sanglantes de la pensée démocratique et de l'Etat d'exception. Il nous contraint à jeter un regard nouveau sur les origines de la colonisation et à reconsidérer nombre de nos jugements. Plus fondamentalement, plus précisément aussi, il oblige à réviser des catégories politiques et juridiques majeures car, à travers lui, se révèle le fait troublant que l'Etat de droit n'est pas contradictoire avec les massacres et les crimes contre l'humanité; les deux coexistent parfois. Mieux, le premier prépare et exécute les seconds puisque c'est le même Etat qui, respectueux des droits fondamentaux pour ceux qu'il considère comme membres de la communauté nationale qu'il organise, se fait Etat d'exception permanent pour les hommes et les qui n'en font pas partie».(9). Ces derniers constituent un «corps d'exception» comme l'écrit si bien Si Mohamed Barkat, sur lequel s'applique, non la loi républicaine mais la violence et l'arbitraire de la loi martiale qui devient la règle. Avec Tocqueville, on découvre que cet Etat de droit, en tant qu'il est aussi un Etat colonial, se structure d'emblée comme un Etat de guerre et comme un Etat d'exception permanent parce qu'il est un Etat colonial. D'où vient cette ambivalence dans les appréciations s'agissant de certains personnages au comportement ambigu? Mostefa Lacheraf avec sa lucidité coutumière parle des officiers qui n'hésitent pas à couper les oreilles et les têtes des Arabes lors de razzias et qui, parallèlement, sont de parfaits hommes du monde quand il s'agit d'aller au bal du duc d'Orléans, lequel duc recommandait de venir juché sur un Arabe portant une pancarte portant l'inscription «Arabe soumis». Nous voulions montrer que les consensus établis à une certaine époque sont difficilement remis en cause. Ainsi Tocqueville, député célèbre et qui le demeure, curieusement aujourd'hui, dans ce siècle où on est censé ne pas se taire quand les droits de l'homme sont bafoués sans même une nuance pour l'autre face cachée de sa personnalité ambivalente. L'article d'André Fontaine nous paraît incomplet et tendancieux, il peut induire en erreur, en tout cas il perpétue des idées fausses. En ces temps de révisionnisme, il est bon de rafraîchir la mémoire des amnésiques de circonstance. Parce que ce que peut vouloir un humaniste loué dans son pays, est à bien des égards évocateur de ce que peut penser le commun des mortels, facilement influençable dans le sens que l'on veut. Au moment de signer cet hypothétique traité - qui, il faut le craindre, n'apportera pas quelque chose de significatif comme une repentance du genre de celle voulue et obtenue par les Juifs de France- il est bon, alors de se rappeler de la nécessité d'un devoir d'inventaire à la fois des aspects matériels «positifs» de la colonisation, et du Livre noir de la colonisation dans sa dimension la plus inhumaine. Nul doute qu'Alexis de Tocqueville a une place de choix dans ce Panthéon de l'horreur. 1. Commission Parlementaire de 18 membres présidée par A. de Tocqueville. Paris. 1847. 2. André Fontaine : Adieu Tocqueville ? Le Monde du 25 juillet 2005 3. A. de Tocqueville : De la démocratie en Amérique. Vol. 1. Paris. 1835-1840. 4. de Tocqueville. «Rapport sur le projet de loi relatif aux crédits extraordinaires demandés pour l'Algérie», in Oeuvres, Paris, Gallimard, « La Pléiade », p. 848, 1991. 5. A. de Tocqueville « Travail sur l'Algérie », ibid., p. 705-706. 1841. 6. A. de Tocqueville, Le Moniteur universel, Assemblée nationale, p. 1723. 10 juin 1846. 7. Olivier Le Cour Grandmaison Coloniser - Exterminer Sur la guerre et l'Etat colonial 8. A. Prévost-Paradol, « Carte future du monde. Empire colonial anglo-saxon » (10 décembre 1865), in La France nouvelle suivie de Pages choisies, Paris, Editions Garnier, p. 128, 1981. 9. Olivier Lecour Grandmaison Alexis de Tocqueville et la conquête de l'Algérie. Extraits d'un article paru in La Mazarine - hiver 2001.