Les mesures prises par l'Etat pour lutter contre le trafic et l'exportation illégale de carburants suscitent, à El Tarf, une région où ce phénomène a pris des proportions alarmantes, l'approbation et le soulagement des usagers, mais de la réticence chez les gérants et les propriétaires de stations-service, a-t-on constaté hier. Longtemps dénoncée par les automobilistes de cette région frontalière, cette forme de contrebande a atteint, depuis le début de l'été, des seuils importants qui ont fini par exaspérer les usagers. Interrogé à ce sujet, Abdelatif, un sexagénaire originaire de la ville d'El Kala, soutient que les mesures préconisées par le gouvernement pour mettre fin à cette hémorragie sont « salutaires », d'autant que la crise provoquée par la contrebande « ne faisait que resserrer l'étau sur les automobilistes tout en portant préjudice à l'économie du pays ». Chaque jour, ajoute cet ancien cadre de la wilaya, « des trafiquants de tous bords font la navette pour faire le plein dans les stations-service situées dans les localités frontalières comme Bougous où le flux des contrebandiers est impressionnant ». De nombreux autochtones résidant non loin de la frontière algéro-tunisienne proposent « le renforcement de la lutte contre les ‘‘cambistes'' qui s'adonnent, depuis de nombreuses années, à leur activité illicite en toute tranquillité ». Rappelant les répercussions négatives du change au marché parallèle (100 dinars tunisiens contre 7.000 dinars algériens), nombreux sont ceux qui affirment que les trafiquants étrangers de carburants « profitent de cette aubaine pour faire le plein d'essence et s'approvisionner en denrées alimentaires (sucre, lait, semoule) subventionnées par l'Etat, avant de rentrer dans leur pays en laissant derrière eux la pénurie de carburants ». Cette situation contraignante s'est accentuée depuis le 1er juillet dernier avec l'application d'un arrêté de wilaya aux termes duquel les gérants des stations-service sont tenus de tenir un registre où doivent être consignées la marque et l'immatriculation du véhicule et la fréquence de ses passages afin de mettre un terme au trafic de carburants. Devant la réticence de cinq stations-service d'El Tarf (la wilaya en compte 29 dont 4 étatiques) et la suspension de la livraison des commandes formulées par ces « récalcitrants », un mouvement partiel de solidarité a été enclenché la semaine dernière, accentuant du coup la pénurie. Selon Mohamed Ali Dene, propriétaire d'une station-service et président de la Chambre de commerce et d'industrie, « le trafic de carburant est bel et bien un problème touchant à l'économie nationale et interpelle tout un chacun pour y mettre un terme, mais il n'en demeure pas moins que cette situation ne doit en aucun cas pénaliser les stations-service ». Hier samedi, l'on peut constater que les gérants de stations-service d'El Tarf ont finalement accepté de tenir ce registre, comme l'a confirmé à l'APS le président de l'association des stations-service (Unipress), Malek Ouzrout. Contacté à nouveau, M. Dene, président de la Chambre de commerce, souligne qu'il a été décidé « à titre provisoire » de tenir ce registre pour, dit-il, « mettre un terme aux désagréments causés jusque-là, et en attendant les résultats de la rencontre de concertation prévue à Alger dans les prochains jours pour décider de la suite à donner à cette affaire ».