Tandis que le processus de transition cale, mettant à nu la fragilité des nouvelles autorités, confrontées aux milices, d'un côté, et au terrorisme djihadiste dans le sud, de l'autre, c'est, maintenant, l'unité de la Libye qui est remise en cause par des groupes politiques et armés prônant le retour au système fédéral, tel qu'édicté dans la Constitution de 1951 qui divise le pays en trois régions distinctes : la Cyrénaïque, la Tripolitaine et le Fezzan. Après avoir annoncé, en mars 2012, la création du Conseil intérimaire de la Cyrénaïque, présidé par cheikh Ahmed Zoubaïr Al Senoussi, cousin de l'ancien roi Idriss Al Senoussi, renversé en 1969 par El Gueddafi, les partisans du système fédéral reviennent à la charge et passent à l'acte. Plusieurs de leurs groupes, qui bloquent des terminaux pétroliers dans l'est du pays depuis plusieurs mois, ont proclamé, jeudi, la formation d'un gouvernement local qui devrait gérer, selon eux, les affaires courantes de la partie orientale de la Cyrénaïque. Au cours d'une conférence de presse à Ajdabiya (est), le chef du bureau exécutif de la Cyrénaïque, Abd Rabou Al Baraâssi, a annoncé la formation d'un cabinet de 24 ministres. Accusé par le gouvernement de velléités autonomistes, M. Al Baraâssi s'en défend, évoquant la « Construction de la Libye dans le cadre d'un système fédéral ». La démonstration de force du chef des autonomistes n'est pas sans raison. Fort des gisements pétroliers de la région de Brega que ses troupes fortement armées contrôlent contre la volonté d'un gouvernement « impuissant », M. Baraâssi a annoncé la création d'une force de défense de la Cyrénaïque et la division administrative de la région en quatre provinces. Aventure trop risquée mais nullement inquiétante pour l'unité du pays, selon plusieurs analystes pour qui cette force « ne pourrait pas s'imposer militairement dans la région, en particulier à Benghazi, chef-lieu de la Cyrénaïque où pullulent des milices puissantes, hostiles au fédéralisme ». « Cette annonce (d'un gouvernement, ndlr) a été faite d'une façon unilatérale et ne rencontrera pas d'écho », a estimé Souleimanie Al-Allagui, mais toujours est-il qu'il s'agit d'un acte gravissime pour une Libye « démocratique et unie » promise après la chute d'El Gueddafi. Ce nouveau développement est survenu le jour où la justice libyenne a officiellement inculpé une trentaine des principaux responsables du régime déchu de Mouammar El Gueddafi, dont son fils Seif Al Islam, son ex-chef de renseignement Abdallah Al Senoussi, et l'ancien Premier ministre al-Baghdadi Al Mahmoudi pour la répression de la révolte de 2011. La chambre d'accusation a décidé de les renvoyer « devant le tribunal pénal de Tripoli » qui décidera de la date du procès. Seif Al Islam et M. Senoussi font l'objet de mandats d'arrêt de la CPI (Cour pénale internationale) qui les soupçonne de « crimes contre l'humanité ». Après avoir demandé aux autorités libyennes de les juger à La Haye, la CPI a décidé, le 11 octobre dernier, d'autoriser la Libye à juger M. Senoussi.