Même s'il paraît excédé par les discours sur Camus, développés sur les deux rives de la Méditerranée, Kamal Daoud n'en participe pas moins en commettant son roman « Meursault contre-enquête », qu'il a présenté, samedi dernier, à la salle du théâtre régional, à l'invitation du collectif culturel « le Café littéraire ». Sa conférence-débat a attiré un public aussi nombreux qu'attentif aux propos d'un auteur précédé déjà par une notoriété établie en tant que journaliste chroniqueur. Kamal Daoud avoue, pourtant, que son rêve n'était pas de devenir journaliste, mais écrivain, parce qu'il était fasciné par les livres, qu'il avait rarement l'occasion d'avoir entre les mains, au point de s'inventer des histoires juste en fantasmant sur un titre. Le jeune Kamal Daoud a aussi fait le rêve de la conquête de l'espace, mais il a laissé tombé : « Quand j'ai découvert que j'étais algérien, j'ai su que je ne serai jamais cosmonaute ! » N'empêche, Kamal Daoud est aujourd'hui journaliste et écrivain, tout en faisant une distinction tranchée entre le métier de journaliste, grand dévoreur de temps et d'existence, et l'écrivain, qu'il définit comme un créateur de rêves, de plaisir, répudiant la littérature engagée, au sens d'engagement militant, dont il dit être « allergique ». L'écrivain qu'il est devenu ne se montre pas, toutefois, ingrat envers le journaliste chroniqueur et admet qu'il lui doit bien quelques inspirations de ses œuvres littéraires. Son roman « Meursault contre-enquête » n'est lui-même pas étranger, dans sa genèse, au monde du journalisme, bien que de façon anecdotique. Kamal Daoud explique à son auditoire que c'est après avoir été exaspéré par les questions d'un journaliste sur Camus qu'il a été amené à écrire une nouvelle qui sera elle-même l'amorce pour l'écriture de ce roman. Toutefois, insiste-t-il, l'ouvrage n'est aucunement une réponse d'« un ancien moudjahid » à un Camus trop souvent appréhendé à travers la seule œuvre, certes magistrale, de « L'étranger ». « On le confond trop avec le personnage principal de ce roman, Meursault, qui a tué "un Arabe", comme on tue une mouche », dira t-il. Certes, en l'habillant de chair dans son roman, cet Arabe, simple ombre dans le livre de Camus, sera en quelque sorte « vengé » par Kamal Daoud. Mais Camus ne sera qu'un « prétexte à son texte » pour, dans un esprit ludique et de recherche de sens, poser les questions qui lui importent en tant qu'individu et en tant qu'Algérien, synthétisées dans les thèmes religieux et identitaire, afin de se forger des réponses et, par ce processus, se libérer des discours aliénants actuels.