La polémique entre Zohra Drif et Yacef Saâdi relative à l'existence d'archives (lettres) incriminant la moudjahida, a été à l'origine de la table ronde « haltes historiques » animée, hier, à la salle Atlas par des historiens et des archivistes de renom. Organisée par l'ONCI, sous l'égide de la ministre de la Culture, cette rencontre, placée sous le signe de « l'histoire de la révolution algérienne et de ses symboles », a permis aux chercheurs Fouad Soufi, Abdelmadjid Merdaci, Omar Hachi, Malika El Korso et Slimane Hachi d'apporter un éclairage sur l'écriture de l'histoire et l'utilisation des archives à bon escient. D'emblée, l'universitaire Malika El Korso affirme que cette « rencontre fortuite intervient suit suite aux propos de M. Yacef Saâdi ». Etant elle-même détentrice des lettres, elle a préféré faire abstraction de leur contenu. « Il faut savoir interroger le document et le mettre en perspective », dira-t-elle. « L'analyse d'un document se fait sur la base de points fondamentaux dont la vérification de l'authenticité » souligne l'historienne. Ce professeur d'histoire à l'université de Bouzaréah regrette que « l'archive soit devenue le sésame pour les universitaires doctorants. C'est même une fascination. Or, le sensationnel, le scoop sont incompatibles avec la démarche historienne ». La posture de l'historien, selon Mme El Korso, « doit être critique, basée sur la confrontation de plusieurs sources. Le doute permanent fait la spécificité de notre démarche. L'historien ne doit pas s'inscrire dans un champ politique ou répondre à des injonctions ». Pour toutes ces raisons, la patience « doit rester le maître mot. A l'historien de poser des questions et d'aller vers d'autres archives pour que le premier document ne reste pas isolé ». Omar Hachi, historien de formation et archiviste de profession, abonde dans le même sens et insiste sur la nécessité « d'analyser le document lors de son traitement pour déterminer sa valeur permanente ou pas ». L'orateur ne manquera pas de revenir sur la durée de scellés des archives avec un minimum de 25 ans et de demander de déclasser celles-ci. Pour Abdelmadjid Merdaci, « les Algériens ont le droit de comprendre leur histoire et la guerre de libération et l'écriture de l'histoire est soumise à une méthodologie précise ». « Nous n'avons pas à avoir honte de notre histoire mais il faut une certaine discipline pour éviter des dérapages à propos de faits historiques ». M. Merdaci estime qu'« il est temps d'avoir accès aux archives qui doivent être au profit de la connaissance ». De son côté, Slimane Hachi, animateur d'un centre de recherche anthropologique et historique, prône le respect de certains points méthodologiques en matière d'écriture de l'histoire. S'appuyant sur un extrait du livre de Zohra Drif où elle affirme que « lorsque les moudjahidine sont cernés, les archives sont brûlées ou avalées », l'intervenant souligne qu'il existe plusieurs archives (orales, culturelles, sonores et écrites). L'autre préalable méthodologique dira-t-il, est l'analyse des sources. Unanimement, les animateurs de cette rencontre ont demandé la « levée des scellés sur les archives algériennes ». Une exigence citoyenne pour identifier notre passé.