Dans cet entretien, le directeur des services vétérinaires au ministère de l'Agriculture et du Développement rural, Karim Boughanem, est revenu sur cette situation à la fois préoccupante et inquiétante. Il annonce que les services vétérinaires sont sur le terrain et vont tout faire pour cantonner la maladie au niveau des wilayas touchées. Un élément rassurant : le taux de couverture immunitaire reste correct, donc même s'il y a expansion du foyer, il ne va pas y avoir beaucoup de pertes. Un foyer de fièvre aphteuse a été confirmé à Bir El Arch, dans la wilaya de Sétif. Comment la situation se présente-t-elle sur le terrain ? Depuis l'apparition de ce foyer de fièvre aphteuse, nous avons procédé à la prise de mesures effectives pour limiter l'extension de la maladie. Nous avons isolé la zone vu l'importance du cheptel qu'elle compte, une zone à forte concentration de bovins d'engraissement avec plus de 20.000 têtes. C'est une zone qui fait 5 km de large et 4 km de long. C'est l'endroit qui a enregistré beaucoup de mortalité. La solution préconisée actuellement est l'abattage, la désinfection et l'arrêt des mouvements des animaux. Nous pouvons prendre d'autres mesures si la situation évolue défavorablement. Et nous pouvons prendre des mesures d'allégement si la situation évolue favorablement. À l'heure actuelle, il est encore trop tôt pour parler de pertes. Nous ne pouvons pas les comptabiliser. Attendons pour voir comment la situation va évoluer et, après, nous ferons le check-up. Tout dépend de l'implication des éleveurs. Si l'on nous donne l'information, nous agirons rapidement si l'on cache la maladie, comme ça a été le cas à Bir El El Arch, nous nous pourrons rien faire, malheureusement. Quelles sont les causes principales de la maladie et quelles sont les mesures prises jusque-là pour maîtriser la situation ? Ce foyer a été déclaré suite à une introduction frauduleuse sur le territoire national de bovins de Tunisie qui ont contaminé le cheptel local. Nous sommes en train de procéder à une vaccination autour de ces foyers. Entre temps, nous avons fermé les marchés à bestiaux de Sétif ainsi que ceux des wilayas limitrophes. Nous avons interdit le déplacement des animaux au niveau de ces wilayas. Les éleveurs doivent impérativement garder leurs animaux là où ils sont. Il faudrait qu'ils prennent les mesures de désinfection préconisées. Nous leur demandons de ne pas fréquenter les marchés à bestiaux et de pas introduire d'animaux. En termes d'effectif déployé, nous avons mobilisé 2.000 vétérinaires et nous avons plus de 7.500 praticiens privés. Tous les vétérinaires dépêchés sont sur le terrain. Nous sommes en train de prospecter pour essayer de juguler rapidement ces foyers. Depuis la confirmation de la maladie à Sétif, nous avons enregistré des cas de fièvre aphteuse dans cinq nouvelles wilayas : Bouira, Bejaïa, Batna, Médéa et Constantine. Il s'agit principalement d'animaux qui ont échappé à la vaccination et qui ont quitté les différents marchés à bestiaux de la wilaya de Sétif avant même la confirmation du virus. Il faut mentionner, également, que certains maquignons refusent toujours de faire vacciner leurs cheptels. L'Algérie n'a pas connu cette maladie depuis 1999 grâce à des campagnes de vaccination régulières. Peut-on parler aujourd'hui d'un relâchement ou d'une défaillance dans l'exécution du programme de vaccination ? Nous avons un taux de couverture vaccinal intéressant, notamment dans les wilayas de l'Est. Nous venons de sortir d'une campagne de vaccination massive. Nous avons eu, par le passé, des cas similaires, notamment en 1989 et en 1999. Et, effectivement, depuis 1999, nous n'avons pas connu ce genre de situation grâce au programme de prévention mis en place basé essentiellement sur des campagnes de vaccination. Chaque année, notre cheptel bovin est vacciné contre la fièvre aphteuse. Quand il y a eu la menace en Tunisie, nous avons procédé à une vaccination de rattrapage. Deux campagnes de vaccination avaient été menées cette année et ont touché près de 1,6 million de têtes. C'est pourquoi nous avons dit que nous avons une immunité importante. Nous pensons qu'il va y avoir une accalmie vu que le dispositif mis en place est toujours opérationnel. Et puis, nous avons des vaccins qui vont arriver au cours de cette semaine. Ça nous permettra de revacciner et pouvoir étouffer ces foyers. Il faut préciser, toutefois, que dans tous les programmes de vaccination, vous ne pouvez pas vacciner tout le cheptel. Si vous avez un taux de couverture oscillant entre 75% et 80%, vous pouvez dire que votre campagne est réussie. Ce sont des normes internationales. On ne peut vacciner à 100% notre cheptel. Les éleveurs sont inquiets. Qu'avez-vous à leur dire ? Nous avons procédé à l'abattage de tous les animaux malades. Nous allons, bien sûr, indemniser les éleveurs des vaches laitières. Là aussi, des opérations de désinfection ont été menées dans ces wilayas et nous avons procédé à des opérations de vaccination autour de ces foyers. J'espère que cette maladie ne va pas s'étendre. Nous continuons à rechercher les symptômes au niveau de tous les élevages. Si nous trouvons des cas positifs, nous continuerons à abattre jusqu'à l'assainissement de la situation. Je lance un appel aux éleveurs de toutes les wilayas pour appliquer les mesures prises à Sétif et éviter de déplacer leur cheptel et surtout de déclarer des cas suspects, et ce, pour permettre à nos services d'intervenir rapidement. Ce qui n'est pas le cas pour les propriétaires des animaux contaminés à Sétif qui ont caché la maladie. La fièvre aphteuse est une maladie virale strictement animale, très dangereuse pour les ruminants et peut occasionner des pertes importantes sur le cheptel. Cette maladie est extrêmement contagieuse et se caractérise par l'apparition d'aphtes et d'érosions sur les muqueuses buccales, nasales ainsi que sur les ganglions. Les éleveurs des autres wilayas doivent cesser toute transaction d'achat d'animaux des wilayas du centre et de l'est du pays jusqu'à ce que nous maîtrisions la situation. Une fois la situation maîtrisée, on lèvera doucement les mesures prises. Je ne peux pas m'avancer sur un délai précis. Tout dépend du virus. Nous avons l'intention de bien juguler la maladie dans les jours qui viennent. Nous prendrons toutes les mesures appropriées. Mais nous ne sommes pas à l'abri de l'extension de la maladie.