Amar Metref, s'il n'a pas la notoriété d'un Mouloud Mammeri ou d'un Mohamed Arkoun, figures emblématiques et notoires des Ath Yenni, n'en est pas moins une figure incontournable dans ces villages de Haute-Kabylie. Il était un fidèle de toutes les manifestations sociales ou culturelles que les autorités ou les associations organisaient. Avec son accent rocailleux, il était une sorte de mémoire vivante, qui pouvait parler avec la même aisance des labours, de la bijouterie que des péripéties de l'histoire d'Algérie ou de pays étrangers. Au début de sa carrière, il enseigna à Alger avant de rentrer au bercail où il finira son parcours comme directeur du seul collège d'Ath Yenni Larbi-Mezani. Il présida également dans les années 1970 durant deux mandats aux destinées de l'APC. Né en mai 1935, ce fils d'enseignant apparaît dans le film documentaire de 52 minutes « Ath Yenni, paroles d'argent » réalisé en 2008 par le journaliste écrivain Arezki Metref, son neveu. Il était aussi le père de Hacène, la cheville ouvrière du festival « Raconte-Arts ». Celui que tout le monde surnommait affectueusement Dda Maamer avait suivi les traces de son père, formé à l'Ecole normale d'instituteurs de Bouzaréah. Proche des milieux communistes sans en être encarté, Ramdhane Metref avait enseigné dans de nombreuses villes d'Algérie comme Bordj Bou-Arréridj ou M'daourouch dans les années 20 et 30 du siècle dernier. Son fils a publié son premier roman « La gardienne du feu sacré » chez l'Enap. Dans une langue simple et académique, à laquelle il restera fidèle, s'inspirait des histoires du terroir ou liées à cet arrachement que fut l'émigration. C'est de cet univers que s'inspire aussi « La vengeance du mort », la seconde œuvre romanesque de l'auteur paru en 2009. Il s'inscrivait alors dans tout ce courant qu'alimentait de nombreux instituteurs comme Tahar Oussedik, Ali Saidj ou Mouhoub Bennour. Après sa retraite, celui qui fut professeur de langue française, a confié deux manuscrits aux éditions El Amel de Tizi Ouzou où il a publié « L'ermite du Djurdjura » (2011) et « Raconter Ath Yenni ». Dans le premier dont le titre reprend le pseudonyme de son père qui signait ainsi dans la « Voix des humbles », bulletin des instituteurs indigènes, il fait croiser les éléments biographiques et ressuscite le contexte sociopolitique. L'intérêt est lié surtout à l'histoire d'Ath Yenni ou l'ouverture d'une des première écoles, Verdet que fréquenta l'auteur de « La colline oubliée » a produit de nombreux instituteurs dont certains comme Boukhalfa Bitam, disparu l'an dernier, qui ont écrit des romans ou mené des recherches. C'est une plongée à travers le portrait ; semblable à celui du plus illustre des enseignants, Mouloud Feraoun, du père Ramdhane dans une époque où se nourrir des lumières n'était pas contradictoire avec l'attachement à un islam ouvert et tolérant. Son père était un des amis de Ben Badis. Dans le second, à travers les légendes et la mémoire populaire, il évoque l'histoire de ces villages dont parlait déjà Ibn Khaldoun. Il leur est resté attaché toute sa vie. Il aurait également laissé des manuscrits inédits qui sont à la fois des témoignages sur l'Algérie coloniale et une mine d'information sur la culture ancestrale.