Après Ankara où il a tenté de vaincre les réticences turques, le secrétaire d'Etat, John Kerry, s'est rendu, hier, au Caire, pour consolider le front contre « la menace globale » édicté, 11 ans après le non français à l'invasion américaine de l'Irak, le président François Hollande est en visite à Baghdad et Erbil pour aider « encore davantage militairement ». Toute la « disponibilité de la France », réaffirmée à son homologue Fouad Massoum et au Premier ministre Haider al-Abadi, trouvera son expression dans la conférence internationale, prévue demain, à Paris, qui accueillera, en apothéose, le chef de la diplomatie américaine. Aux antipodes de son engagement électoral, appelant à tourner définitivement la page des guerres impériales, le président Obama prépare sa guerre en Irak dont la coordination a été confiée, ironie de l'histoire, à l'ancien commandant des forces américaines en Afghanistan et en Irak, le général à la retraite John Allen. C'est donc à Paris que l'engagement solennel sera codifié pour dessiner les contours de la coalition internationale traversée par des tendances contradictoires s'agissant, notamment, de la Russie, en conflit avec les pays occidentaux sur le front ukrainien, de la Turquie inquiète du retour de flamme et de la participation de l'Iran jugée « inadéquate », au même titre que la Syrie, par Washington, néanmoins souhaitée par le ministre des Affaires étrangères français, Laurent Fabius. Forte d'une quarantaine d'alliés dont 10 pays arabes (Irak, Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Qatar, Oman, Egypte, Jordanie, Liban), le souci de « convergence des objectifs » et de la « complémentarité des initiatives » militaires et financières, revendiquées par le porte-parole du Quai d'Orsay, Romain Nadal, est ainsi mis en avant pour définir un plan d'action qui ne fait pas encore l'unanimité. En l'absence de l'Allemagne, le duo franco-britannique, qui constitue l'épine dorsale de la coalition, ne partage pas l'approche américaine de l'extension des frappes pour réduire à néant l'Etat islamique aussi bien en Irak qu'en Syrie auxquelles le chef de la diplomatie, Philip Hammond, a affirmé ne pas y participer. Paris plaide pour la légalité de l'intervention militaire qui doit nécessairement passer par l'adoption d'une résolution onusienne. En septembre, la présidence américaine du Conseil de sécurité constituera, assurément, une opportunité pour tracer le cadre légal tributaire du veto sino-russe jugé fort improbable du fait de l'opposition de Moscou et de Pékin à toute action en Syrie sans l'aval de cette dernière, mettant en garde contre le lancement de frappes sur son territoire sans son accord. Question : les frappes en Irak qui se justifient par la demande du gouvernement irakien peuvent-elles ignorer la volonté syrienne ? Il ne s'agit pas du premier couac qui mine la coalition internationale dressant « la ligne rouge » pour les troupes au sol, notamment pour les soldats américains, et confiant à l'armée irakienne et aux peshmergas la responsabilité du combat terrestre contre les « 20.000 à 31.000 » combattants de l'EI. L'Occident, qui se contente de bombardements aériens et de livraisons d'armes lourdes et légères pour tenter d'« inverser le rapport de force », s'appuie essentiellement sur les forces irakiennes et l'opposition dite modérée syrienne. Au total, 1.600 militaires américains seront déployés en Irak pour apporter un appui aux forces armées irakiennes en termes d'équipements, de formation et de renseignements. Suffisant pour vaincre le « cancer » de l'EI ? Le pari est jugé risqué au regard de la déstructuration de l'armée irakienne, malgré le gouffre financier US (24 milliards de dollars injectés depuis 2003), et les divergences internes qui minent sa cohésion et son efficience largement matérialisées par la déroute et son impuissance à contenir la progression des combattants de l'EI. En Syrie, nombre d'observateurs ont relevé le foisonnement de certains groupes rebelles antagoniques et les divergences accrues des puissances régionales tutélaires qui plombent une stratégie commune. C'est pourquoi, Obama, qui réclame 500 millions de dollars au Congrès pour former 5.000 combattants au cours des 12 prochains mois, est confronté aux exigences des sénateurs qui posent le préalable de l'identification des rebelles dits modérés conçus comme une chimère par les experts internationaux. Le casse-tête syrien illustre parfaitement toutes les incertitudes de l'Amérique « en guerre » contre l'EI.