La Libye s'enlise dans une crise politico-institutionnelle inextricable. Dans cette transition, marquée par la loi du plus fort, la forme de déliquescence du « non-Etat » est clairement exprimée par la tendance à la polarisation politique entre les institutions légales de Tobrouk et le pouvoir de fait de Tripoli. Le scénario du pire, validant au mieux la partition, sinon la guerre civile, a dépassé de loin le simple cadre de la bataille pour la légitimité que se livrent les deux camps rivaux pour toucher de plein fouet la crédibilité de la seule institution encore debout : la Cour suprême décrétant la nullité du Parlement issu des élections du 25 juin et de toutes ses décisions. Vécu comme une « victoire » par la coalition islamiste de Fajr Libya et rejetée par l'Assemblée législative reconnue par la communauté internationale, cet épisode ubuesque est un coup sévère porté au processus démocratique et tous les efforts internationaux de médiation gravement compromis. Les voies du dialogue et du nécessaire compromis s'estompent. La sanction des armes, celle là même qui a imposé, en mai 2013, la loi d'exclusion des personnalités en exercice sous l'ancien régime et le siège à répétition des institutions de transition, a prévalu sur le verdict des urnes. Car si la bataille militaire de Tripoli a immédiatement suivi la défaite électorale des législatives du 25 juin, l'invalidation du Parlement élu est l'aboutissement d'une manœuvre mûrement réfléchie pour la récupération du pouvoir, entamée par le recours déposé par un député islamiste et exécutée à coup de pressions sur les juges de la Cour suprême établie à Tripoli, passée sous le contrôle de Fajr Libya. La fracture peut coûter cher. Entre l'Est, voué à la lutte contre le terrorisme incarné par Ansar El Charia en perte de vitesse, et l'Ouest, aux ordres de Fajr Libya, la lente désintégration inquiète la communauté internationale appelant à la fin des combats qui ont fait, à Benghazi, plus de trente morts en trois jours. Ainsi, la Manul (mission d'appui des Nations unies en Libye) a invoqué le sens des responsabilités et la « nécessité pour toutes les parties à travailler d'urgence pour parvenir à un consensus sur les arrangements politiques pour la période de transition ». Mission impossible ? Les puissances occidentales, qui suivent « de près la décision de la Cour suprême, son contexte et ses conséquences », ont également tiré la sonnette d'alarme. Dans un communiqué, les Etats-Unis, le Canada, l'Allemagne, l'Espagne, la France, l'Italie, Malte et le Royaume-Uni ont exhorté toutes les parties au conflit de s'abstenir de prendre des mesures de nature à favoriser les divisions et la polarisation. Fondamentalement, la responsabilité de l'Occident reste incommensurable dans le chaos libyen.