La Libye s'enfonce dans le chaos généralisé, porteur de risques réels sur la sécurité et la stabilité de la région. En témoignent la guerre des milices conclue par la prise de l'aéroport international de Tripoli par les islamistes de Fajr Libya, soutenus par les brigades de Misrata, et une transition en lambeaux marquée par l'avènement d'un parlement élu, en exil à Tobrouk, et du gouvernement provisoire dirigé par Abdallah al-Theni, contesté par les islamistes disposant d'un « gouvernement de salut national » installé à Tripoli et confié à Omar al-Hassi. La défaite électorale du camp islamiste a mis le feu à la poudrière libyenne exacerbée par les velléités d'ingérence étrangère catégoriquement rejetées par les pays voisins qui se consacrent à la sécurité des frontières et au retour à la stabilité à la Libye implosée. A la réunion cairote, il a été admis toute l'importance accordée à « une action politique rapide », revendiquée par le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, pour aboutir à une « solution politique consensuelle qui préserverait l'unité, la stabilité et l'intégrité territoriale de la Libye et répondrait aux aspirations du peuple libyen à la sécurité, la paix et au développement ». L'approche gagne en crédibilité. Si elle fonde l'incontournable dialogue inclusif libyen, voulu par l'Algérie et l'Egypte en concertation incessante, la quête des pays voisins est ainsi légitimée par la communauté internationale. Les Etats-Unis et l'Union européenne (UE) se sont dit inquiets de « l'escalade des combats » autour de Tripoli, Benghazi et dans toute la Libye. Dans un communiqué commun, Washington, Paris, Londres, Berlin et Rome ont condamné les « interférences extérieures en Libye qui exacerbent les divisions » et réclamé la poursuite de la « transition démocratique ». L'UE, qui s'appuie sur la « légitimité démocratique » du parlement élu plaide, en urgence, pour la réhabilitation d'un gouvernement rassembleur et lance un avertissement aux « responsables de ces violences » appelés à « rendre des comptes ». Elle a exhorté « toutes les parties » à accepter « un cessez-le-feu immédiat ». Mais la sortie de crise reste périlleuse pour les deux Libye qui se disputent la légitimité du pouvoir de fait et le verdict des urnes. Elle caractérise une bipolarité traduite sur la terrain par la volonté de la coalition islamiste d'imposer le retour au CGN (Conseil général national) disqualifié par le choix démocratique du nouveau parlement, issu des législatives du 25 juin dernier, et qualifié en conséquence d'« illégal » par le chef du gouvernement provisoire, Abdallah al-Theni, dénonçant, par la même occasion, les exactions de miliciens islamistes à Tripoli, qui n'ont pas hésité, selon lui, à piller et incendier sa résidence dans la capitale. La fracture institutionnelle et politique s'accompagne, toutes proportions gardées, du divorce des « frères-ennemis » ouvertement prononcé par la coalition islamiste de Fajr Libya prenant leurs distances avec Ansar Charia, porté par les Etats-Unis et les autorités libyennes dans la liste des « groupes terroristes ». La démarcation procède d'un refus de contracter une alliance à la quelle Ansar Charia, hégémonique dans son fief de Benghazi, a appelé de ses vœux. Fort de son succès remporté dans la bataille de l'aéroport, la coalition islamiste de Fajr Libya dit « respecter la Constitution et l'alternance pacifique au pouvoir » qu'elle n'a pas du reste cautionnée à l'endroit du nouveau parlement élu et du gouvernement provisoire. Aux antipodes de la vision d'Ansar Charia, rejetant la démocratie et affichant son attachement à l'application de la loi islamique, la volonté de rapprochement de Fajr Libya avec les forces de sécurité est motivée par la sécurisation de la capitale et la protection des ressortissants étrangers, au moment où le parlement élu de Tobrouk a chargé le nouveau chef d'état-major, Abderrazak Nadhouri, de renforcer l'armée pour mener le combat contre les deux groupes « terroristes ». Les dés sont jetés.