La famille artistique est une nouvelle fois secouée par la disparition d'un grand artiste peintre, Abdelouahab Mokrani, décédé le 3 décembre dernier à l'âge de 58 ans à Alger. Tahar Djaout disait de lui, en 1985 : « La peinture est, en Algérie, la discipline artistique où s'opèrent le plus de changements heureux. On peut d'ores et déjà affirmer que les Issiakhem, Khadda, Benanteur, auront de dignes successeurs. Ils ont pour noms Wahab Mokrani, Hellal Zoubir, Abderrahmane Ould Mohand. Ils ont tous moins de trente ans et leurs mérites commencent à forcer la reconnaissance. » L'artiste plasticien Karim Sergoua se souvient : « C'est un artiste peintre exceptionnel, au talent avéré. On le surnommait l'enfant terrible de la peinture algérienne et l'enfant jazz parce qu'il aimait créer. Il était très expressionniste et il avait un niveau intellectuel très élevé. Ilmaitrisait parfaitement la langue de Molière. La preuve, il donnait des cours privés pour enseigner cette belle et riche langue. En dernier, on sentait de l'amertume dans ses œuvres. »Sa dernière exposition remonte à six mois lorsqu'il avait pris part à une exposition collective organisée aux côtés de Moncef Guita et Amar Briki à la galerie d'art « Dar El Kenz » à Cheraga. La propriétaire de cet espace artistique, Mme Guelmi, raconte, émue : « Il avait vendu, dans l'après- midi, toute sa collection ; treize œuvres. Sa peinture est très dure, elle lui ressemble. Je suis partie la semaine dernière en France pour rendre visite à ma fille qui venait d'accoucher. Je rentre à Alger et j'apprends une très mauvaise nouvelle. C'est l'horreur ! J'ai longtemps travaillé avec Abdelouahab Mokrani. C'est un grand peintre et je n'exagère pas. Seulement, il n'était connu que des initiés et non du large public. Il était malade, il vivait dans le désarroi et avait des problèmes financiers et autres. » Elle conclut : « Ton âme empreinte d'humilité s'est imposée tout de suite, où que tu sois tu astoujours laissé une trace, tu auras toujours ta place dans nos cœurs. » Arrivé à Alger en 1967, Abdelouahab Mokrani fréquente de 1971 à 1974 l'école des beaux-arts d'Alger puis rencontre et se lie d'amitié avec M'hamed Issiakhem. À l'école des beaux-arts de Paris, de 1976 à 1982, son professeur de gravure n'est autre que Jacques Lagrange. Il prend part à plusieurs expositions individuelles et collectives, nationales et internationales. Rentré en Algérie en 1983, il rencontre Kateb Yacine et réalise sa première exposition personnelle. Entre 1992 et 1993 il a séjourné à la cité internationale des Arts de Paris.