Autour de 1947 Khadda rencontre Abdallah Benanteur, s'inscrit à une école de dessin par correspondance, réalise ses premières aquarelles, puis des pastels et des peintures. Il approfondit son approche de la peinture aux hasards de ses rencontres dans les librairies et aux marchés aux puces. En 1948 il va rendre visite avec Benanteur à un ami hospitalisé au sanatorium de Rivet et découvre le Musée des beaux-arts d'Alger où il voit longuement les toiles de Delacroix, Fromentin, Chassériau, Dinet, les sculptures de Rodin et de Bourdelle. Le sentiment national progresse décisivement en cette époque. Khadda découvre ainsi la pensée de Ben Badis, adhère un moment à la Jeunesse de l'UDMA de Ferhat Abbas. Il a pour amis l'homme de théâtre Abderrahmane Kaki, Mohammed Tengour, qui milite pour le PPA indépendantiste de Messali Hadj, Mustapha Kaïd, acquis à l'idéal communiste. Il suit les cours d'arabe donnés dans un garage, bientôt fermé par la police, fréquente les ciné-clubs et élargit à travers les films de Cocteau et de Bunuel sa connaissance du surréalisme. Il va fréquemment voir à Oran les expositions de la galerie d'avant-garde «Colline». Il écrit des poèmes, s'essaie à la sculpture (pierre, plâtre et terre) et peint sur le motif avec Benanteur autour de Mostaganem. En 1953 Khadda et Benanteur arrivent à Paris où ils visitent longuement musées et galeries. Khadda dessine le soir à l'Académie de la Grande Chaumière de Montparnasse, se lie avec le romancier Kateb Yacine, milite pour l'indépendance de l'Algérie et adhère au Parti communiste. Il réalise sa première exposition personnelle en 1961. Mohammed Khadda rentre en 1963 en Algérie où il expose régulièrement. Membre fondateur en 1964 de l'Union nationale des arts plastiques. Il défend la peinture non figurative violemment dénoncée à cette époque, illustre plusieurs recueils de poèmes (Jean Sénac, Rachid Boudjedra) et crée des décors et costumes pour les Théâtres d'Alger et d'Oran (Abdelkader Alloula). Mohammed Khadda travaille, entre 1973 et 1976, à la réalisation de plusieurs peintures murales collectives, accompagne de ses dessins, dans les années 80, plusieurs recueils poétiques et rassemble en 1983, dans Feuillets épars liés, la plupart de ses articles et préfaces. Attentif à l'évolution de l'art européen, enrichi de son dialogue depuis le début du siècle avec les expressions des autres continents, Khadda découvre que de grands peintres occidentaux, au-delà de l'intérêt des cubistes pour l'art africain des masques, s'inspirent d'éléments de la culture arabe : «Que Matisse usait élégamment de l'arabesque, que l'admirable Paul Klee était ébloui par l'Orient, que l'américain Mark Tobey reprenait les signes de l'Extrême-Orient. Que Piet Mondrian refaisait, à son insu, les carrés magiques du Koufi», purs équilibres, illisibles au premier abord, «entre les pleins et les vides, entre le clair et l'obscur». Dès 1954 la peinture de Khadda se détache de toute figuration réaliste, ressentie comme étrangère à la sensibilité de l'art maghrébin, «un art non figuratif par excellence», écrit-il encore. Dans les années suivantes son abstraction s'appuie sur les éléments plastiques de la graphie arabe. Ses Alphabets libres feront de lui l'un des fondateurs de ce que l'on nommera après Jean Sénac «l'École du signe». Au début des années 1960 les tracés noueux qui structuraient ses paysages non figuratifs se contractent et se réarticulent, à partir de 1967, autour du thème de l'Olivier qui, déclare-t-il alors, est «à la naissance des signes et de l'écriture» qu'il propose. Ces signes, par la suite, vont d'une part se différencier en une continuelle expansion et lui permettre d'épeler toujours d'autres chiffres, comme on a dit à son propos, du «grand livre du visible», des failles de la pierre au vol de l'oiseau, des méandres de l'oued à la calligraphie des algues. Ils vont d'autre part, comme poursuivant plus loin leur cristallisation, se déployer librement dans leur espace propre. Découverte de l'écriture du monde et exploration du monde de l'écriture demeureront ainsi dans son œuvre indissociablement liées en deux cheminements complémentaires, chacun retentissant à mesure sur l'autre, qui ne cesseront de rapprocher par degrés le peintre, en une quête unique, des sources mêmes du Signe. Dans les années 1980 Mohammed Khadda ancre davantage son cheminement sur la Lettre. «Je n'ai jamais employé la Lettre pour la Lettre», précise-t-il, «dans mes peintures ou mes gravures, on retrouve un peu la forme des lettres, les formes parce que je me refuse à employer la Lettre arabe telle quelle». Ses peintures ne se saisissent jamais, en effet, d'une écriture achevée, «inscrite» déjà, mais donnent à éprouver l'élan d'une écriture originairement «inscrivante». Explorant librement ses gestes, en amont des conventions qui les codifièrent dans l'avènement des premiers alphabets, Khadda se fait, a-t-on dit, «l'archéologue du possible». Baya, quant à elle, construit un univers clos, exclusivement féminin, tout à la fois reclus et souverain. Le poète André Breton disait d'elle : «Baya est la sœur de Schéhérazade.» Schéhérazade, la tisserande des mots qui éloignent la mort. Schéhérazade, cette autre femme qui fabule pour compenser sa réclusion. Nous voici donc dans le conte, avec ses Univers merveilleux (titre d'une œuvre de 1968). Baya abroge les formes, les classifications et les dimensions : l'oiseau s'étire et devient serpent, arbres et huttes poussent de travers, les vases se ramifient, deviennent arborescents comme des queues ou des huppes d'oiseaux. Dans cette sorte de village des origines, où cases, arbres et oiseaux sont emmêlés, les paysages et objets baignent dans l'informulé et la liberté du monde placentaire. Aucun centre de gravité n'est admis. Tout l'effort de l'artiste est tendu vers la recherche d'une sorte d'harmonie prénatale que la découverte du monde normé, balisé, anguleux nous a fait perdre. Baya est née le 12 décembre 1931 à Bordj El Kiffan (Fort-de-l'Eau), aux environs d'Alger. On s'extasie sur la spontanéité primitive de cet art Orpheline de ses deux parents, elle est recueillie par sa grand-mère qu'elle aide dans son travail dans une ferme de colons (horticulture). En 1943 Marguerite Caminat, sœur de la propriétaire, la prend chez elle à Alger pour rendre des services ménagers dans une maison dont l'éblouissent les fleurs et les oiseaux. Baya commence alors à modeler des personnages ou des animaux fantastiques en argile et elle est encouragée à réaliser des gouaches que le sculpteur Jean Peyrissac montre à Aimé Maeght, de passage à Alger. Une exposition, dont André Breton préface le catalogue, est en 1947 organisée à Paris par Maeght dans sa galerie. Elle connaît un vif succès. «On s'extasie sur la spontanéité primitive de cet art, on découvre avec un émerveillement non exempt de paternalisme, l'expression naïve à l'état brut, vierge, sauvage enfin», analysera Mohammed Khadda. Le magazine Vogue publie la photo de Baya, qui n'a alors que seize ans, avec un article d'Edmonde Charles-Roux. Baya découvre Paris, rencontre Braque. L'année suivante elle réalise à Vallauris des sculptures en céramique à l'atelier Madoura et côtoie Picasso. Mais remise à son tuteur, elle se trouve en 1953 mariée traditionnellement, comme seconde épouse, au musicien «arabo-andalou» El Hadj Mahfoud Mahieddine, d'une trentaine d'années plus âgé qu'elle. «Passé le bal irréel de Cendrillon», comme l'écrit François Pouillon, Baya demeure durant dix ans dans l'impossibilité de poursuivre son travail. En 1963 le Musée d'Alger acquiert et expose ses œuvres anciennes. Sur l'amicale incitation de Mireille et Jean de Maisonseul, conservateur du Musée, elle reprend ses pinceaux et ne cessera plus de réaliser sur papier de grandes œuvres qui seront par la suite régulièrement exposées en Algérie (Alger, Tizi Ouzou, Annaba), en France (Paris et Marseille), en Belgique (Bruxelles) et dans le monde arabe. Elle est placée, avec Aksouh, Benanteur, Guermaz, Issiakhem, Khadda ou Mesli, parmi les artistes de la «génération de 1930». Plusieurs d'entre elles sont conservées dans la collection d'art brut de Lausanne. Baya meurt le 9 novembre 1998 à Blida. Elle est placée, avec Aksouh, Benanteur, Guermaz, Issiakhem, Khadda ou Mesli, parmi les artistes de la «génération de 1930» (tous ces peintres étant nés autour de cette année) qui, après les précurseurs des années 1920, ont été les fondateurs de l'art algérien moderne Quant à l'artiste Mohamed Temmam, né le 23 février 1915 à La Casbah d'Alger, il est considéré comme l'un des artistes plasticiens les plus marquants d'Algérie ainsi que l'un des très rares à avoir maîtrisé aussi bien les modes d'expression traditionnels, notamment la miniature et l'enluminure, que la peinture de chevalet qu'il pratiquait en tant que portraitiste ou paysagiste. Il fut également un bon violoniste rattaché à l'école classique andalouse qu'il avait connue très jeune auprès de grands maîtres algérois et de formations prestigieuses comme El Moutribia et El Moussilia.