Les faits remontent à la journée de samedi dernier vers 16h, quand le chien ciblé par un jet de pierres par un groupe d'enfants s'est détaché et a agressé l'enfant Raed, le mordant à plusieurs parties du corps. L'enfant est décédé sur place. Son corps déchiqueté a été déposé à la morgue du cimetière d'El-Alia. Sa maman qui l'accompagnait a été blessée par le molosse à la jambe. Elle a été évacuée vers l'hôpital d'El Kettar. Le propriétaire du chien mis en cause a été auditionné sur les circonstances de ce drame. Les investigations ont porté essentiellement sur la présence du chien à l'intérieur du stade, au milieu d'enfants. La présence de cet animal réputé dangereux s'inscrit-elle dans le dispositif sécuritaire mis en place au niveau de ce stade alors que ces bêtes sont strictement interdites dans les lieux publics ? Quel est le rôle de l'APC de Bordj El Kiffan et de la Direction des sports dans la surveillance et le contrôle de ces lieux ? « On va se pencher sur ces questions afin de situer les responsabilités ainsi que sur le livret du chien. Son propriétaire est civilement responsable de cet accident », a précisé une source proche de l'enquête. Plusieurs cas d'agression par des chiens ont été constatés ces deux dernières années. La présence de ces bêtes dangereuses dans les lieux publics dans les grandes villes, notamment la capitale, s'est fortement accrue. Des jeunes circulent, en toute quiétude, dans les rues et les boulevards d'Alger, avec des chiens dangereux, sans muselière. Pourtant, le P/APC d'Alger-Centre, Abdelhakim Battache, a adressé un écrit à la sûreté de daïra à ce sujet. « La police a pris des mesures en interpellant ces personnes et en les incitant à ne plus faire sortir ces chiens dangereux », a indiqué le P/APC. Des enquêtes des services de sécurité ont fait ressortir que ces animaux sont utilisés comme « armes » lors de bagarres entre gangs et d'agressions, notamment pour les vols de véhicules. La Division centre de la police judiciaire d'Alger avait saisi des pitbulls utilisés dans des affrontements entre dealers et délinquants à Bab El Oued. De même pour la Gendarmerie nationale qui a interpellé, à la fin du mois de décembre dernier, un jeune en flagrant délit de car-jacking à Zéralda, qui menaçait des automobilistes avec son chien. A Mostaganem, les éléments de la 6e sûreté urbaine ont arrêté le propriétaire d'un pitbull qui agressait des citoyens. Il a été écroué et son chien mis en fourrière. Selon les services des urgences des CHU, plus de 4.200 morsures de chien ont été enregistrées. Vide juridique Une question se pose : quel est le rôle des services de sécurité face à ce phénomène ? Le responsable de la communication à la Gendarmerie nationale, le lieutenant-colonel Abdelhamid Kerroud, a déclaré que la GN mène des enquêtes sur la base de renseignements, faisant état de l'utilisation de ces animaux en cas d'agression et d'affrontement. « C'est à partir de ces informations qu'on agit. Toutefois, il n'y a aucune loi qui interdit à un citoyen d'avoir un chien de n'importe quelle race », précise-t-il. Même constat chez la police. « On intervient lors d'une infraction signalée », observe un officier de la Direction de la sécurité publique. Conclusion : sans infraction, les propriétaires de ces molosses ne peuvent être inquiétés. S'agit-il d'un vide juridique ? Des juristes ont signalé que beaucoup de pays ont interdit la possession de ces animaux dangereux. En France, la loi promulguée en 1999 interdit l'acquisition ou la cession, même à titre gratuit, de tous les types de chiens dangereux, alors que ceux qui en possèdent déjà sont obligés de les stériliser. Les contrevenants risquent six mois d'emprisonnement et une amende pouvant aller jusqu'à 15.000 euros (plus de 150 millions de centimes en monnaie algérienne). En Algérie, il n'existe qu'un seul article sur cette question dans le code pénal. La loi stipule que le chien de catégorie 2 doit être déclaré et son propriétaire devrait avoir un permis de détention et suivre un stage obligatoire. Le propriétaire doit également tenir son chien en laisse dans les lieux publics. « Il existe un vide juridique. Ces chiens constituent une menace réelle pour la sécurité publique. On doit renforcer la législation afin de faire face à ce phénomène inquiétant. Ces animaux sont devenus les armes des délinquants et malfaiteurs », dira Me Salah Abderrahmane, avocat. Il a expliqué que le propriétaire a une responsabilité civile et pénale en cas d'accident. « Si le chien se détache et ne porte pas de muselière, le propriétaire sera poursuivi pour délit de négligence. En cas d'attaque volontaire, il sera poursuivi pour crime, selon les circonstances et la gravité de l'accident », a expliqué l'avocat. Selon une étude sociologique des services de sécurité, les propriétaires de ces chiens, « les cyno-agresseurs », ont un comportement agressif lorsqu'ils sont en compagnie de leurs chiens, ce qui dénote chez eux, toujours selon l'étude, une personnalité faible et incapable d'affronter ses antagonistes.