Des obscénités ? En veux-tu, en voilà ! Les Algériennes en entendent à chaque coin de rue. La source ? Des jeunes et parfois des adultes. Les prétextes ? Ils vont des effets vestimentaires jugés légers, donc provocateurs, à l'envie de se défouler en passant par une misogynie qui ne dit pas son nom. Insultes, propos vulgaires, intimidations et, parfois, agressions physiques sont autant d'actes attentatoires à la dignité de la femme dans les lieux publics. Des actes que le Dr Ameur Rekhila, avocat et ex-membre du Conseil constitutionnel, décrit comme « un crime ». Alors l'article 333 viendra, selon lui, renforcer la protection de la femme, après constat, avec des dispositions juridiques afin de veiller à la santé psychique, morale et physique de la femme. « C'est aussi une tentative de limiter l'ampleur de ce phénomène en fournissant plus de garanties à la femme », ajoute-t-il. Mais le juriste juge nécessaire, afin de vaincre ce fléau social, que « les policiers et autres agents de l'ordre public investissent davantage les lieux publics notamment ». Des dispositions préventives sont nécessaires « si l'on veut limiter l'ampleur de ce phénomène ». « La femme de ménage qui sort tôt de chez elle pour rejoindre son lieu de travail, l'étudiante, la journaliste, l'avocate et la femme d'affaires qui rentrent tard chez elles pour des raisons professionnelles ont besoin d'être en sécurité », rappelle-t-il. Mais l'avocate, Samira M. n'est pas très optimiste. Car, selon elle, il est difficile pour la victime d'apporter les preuves de l'agression verbale, notamment en l'absence de témoins. « Beaucoup de filles et de femmes sont harcelées dans les lieux publics, le bus, le train et autres moyens de transport mais osent rarement se plaindre. En outre, personne n'intervient ou ne veut témoigner en leur faveur. Devant les tribunaux, les gens ne veulent pas témoigner par peur de représailles. L'auteur ou les auteurs de l'agression se vengent souvent sur le témoin », explique-t-elle. Conséquence : « Même si de plus en plus de femmes déposent plainte contre leurs agresseurs, il est toujours difficile de convaincre le juge faute de preuves », note-t-elle. La députée et membre de la commission des affaires juridiques et administratives de l'APN, Khadidja Abbad, est beaucoup plus optimiste. Elle voit dans ce projet de loi une amélioration significative dans la protection de la femme. « L'actuelle loi, en l'occurrence l'article 341 amendé en 2007, limite le harcèlement aux lieux de travail. Mais ce nouveau projet de loi protège la femme également dans les lieux publics. Il lui permet de prouver le crime par tous les moyens et le juge est obligé d'appliquer la loi », explique-t-elle. Et d'ajouter : « Nous avons discuté de cet avant-projet de loi au niveau de la commission et nous avons également écouté des spécialistes et des experts avant de le présenter au bureau de l'APN ». Samira Kerkouche, députée et membre de la même commission, abonde dans le même sens. « Ce sujet n'est pas simple. Dans la religion musulmane, il faut confirmer le crime par des témoins. Cela est possible, surtout lorsque l'acte se répète. Cela veut dire que l'agresseur s'obstine à commettre son acte. Le juge a toute latitude et le pouvoir de trancher l'affaire de par son expérience », explique-t-elle, estimant que « la loi permettra de limiter ce phénomène et les agresseurs penseront à deux fois avant de commettre leurs actes ». La députée précise, en outre, que la sensibilisation et l'information jouent un grand rôle dans la limitation de ce phénomène tout en affirmant que les femmes doivent être solidaires pour imposer le respect.