Sur le plan économique, l'Algérie est visiblement appelée à se tourner de plus en plus vers l'Afrique, un continent dédaigné, en termes d'échanges, pour des conditions objectives liées notamment à la faiblesse des réseaux de transport et aux différences d'économies insérées dans des logiques et espaces géopolitiques différents. Le Sahara, qui demeure pour quelques populations un espace d'échanges humains et de troc, a fini par devenir une frontière quasi infranchissable et de plus en plus dangereuse, une sorte de limes entre deux univers qui se tournent encore le dos. Depuis quelques mois, chaque dirigeant de passage à Alger ne manque pas de lancer des appels en direction des investisseurs de notre pays, conviés, en quelque sorte, à participer au développement des deux pays. La dernière sollicitation est venue du président béninois qui a séjourné ces jours-ci dans notre pays. « Les opportunités d'investissement existent. Les investisseurs algériens, notamment ceux du secteur privé, sont les bienvenus », a-t-il déclaré. Bien avant, le président du Tchad et après lui celui du Sénégal avaient délivré en termes quasi identiques le même message. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Les échanges économiques de l'Algérie s'effectuent essentiellement avec les pays de l'Union européenne, les Etats-Unis et la Chine. Les exportations de l'Algérie vers les pays d'Afrique ne dépassent pas les 50 millions de dollars quand pour la seule France, les échanges caracolent aux environs de 10 milliards d'euros pour l'année 2013. Une autre Afrique émerge Les relations entre l'Algérie et le continent noir ne sont pas seulement d'ordre historique ou affectif. Elles ne se réduisent pas au soutien apporté durant les années 60 et 70 aux mouvements de libération qui avaient conduit à l'indépendance de pays comme l'Angola, le Mozambique, le Cap-Vert et plus tard la Namibie. Dans le cadre du Nepad ou à travers les relations bilatérales, des actions, qui fortifient l'intégration des économies africaines, ont été menées. Il suffit de citer deux d'entre elles dont l'impact a un caractère et une portée stratégiques. La transsaharienne et le gazoduc sont des pivots qui peuvent conduire à un véritable développement, meilleur rempart contre l'extrémisme qui croît sur le terreau de la détresse sociale. Le gazoduc transsaharien, dont la capacité annuelle de transport est de trente milliards de mètres cubes, reliera le Nigeria à l'Algérie. C'est un autre puissant levier de ces ambitions de nature à relever le niveau socio-économique des pays enclavés. Il ne faut pas se tromper. Derrière l'écume médiatique qui évoque davantage les horreurs de Boko Haram au Nigeria, les ravages d'Ebola ou les inextricables crises au Congo ou au Mali, une autre Afrique émerge. L'un des pays symboles de cette résurrection est l'Ethiopie devenue le nouvel eldorado des investisseurs qui y accourent de toutes parts. Des pays comme la Chine ou l'Inde ont respectivement accru leurs volumes d'échanges avec l'Afrique de plus de 10% et 3%. Des opportunités s'offrent aussi dans des pays plus proches de l'Algérie, notamment ceux de l'Afrique de l'Ouest. Ils ont retrouvé une réelle stabilité, à l'image du Bénin, de la Côte d'Ivoire où l'on reparle à nouveau de miracle mis à mal par des années de conflits internes. Le pays croît en ce moment plus vite que la Chine. En deux ans, la taille de son économie a augmenté d'un quart, selon le Fonds monétaire international. Les entreprises algériennes publiques telles que Saidal et la Snvi s'intéressent de près à l'Afrique subsaharienne. La première prévoyait d'implanter une petite unité de production à Tamanrasset pour fabriquer des médicaments destinés au traitement de pathologies propres au Sud. Le Mali, le Niger, le Sénégal, le Cameroun, le Congo et le Burkina Faso sont au cœur de sa stratégie d'expansion. C'est dans cette logique d'ouverture vers cette profondeur stratégique qu'est l'Afrique que trouvent tout leur sens les programmes destinés à développer le sud du pays, à y implanter de nouvelles infrastructures. Si la concurrence est rude sur un continent où certains intérêts étrangers sont implantés depuis des décennies et soutenus par de puissants réseaux, les produits algériens peuvent trouver leur place sur des marchés en pleine expansion en matière d'industrie agroalimentaire, d'assurance ou de construction de logements ou de réseaux de transport. L'Afrique est une terre de richesses et d'immenses opportunités qu'il faut exploiter. Encore que la volonté de conquérir l'Afrique ne doit pas se limiter à des professions de foi. Le flux de produits doit s'accompagner d'une plus grande visibilité humaine et culturelle. Celle-ci fait le lit de toutes les stratégies de pénétration sur les marchés étrangers.