Laurent Gbagbo a été officiellement investi hier président de la République. Alassane Ouattara, son rival qui a été reconnu par l'ONU comme le «président élu», a le soutien de l'Union européenne et des Etats-Unis. L'Union africaine a confié à Thabo Mbeki, l'ancien Président d'Afrique du Sud, une mission d'urgence à Abidjan : «Faciliter la conclusion rapide et pacifique du processus électoral et la sortie de crise en Côte d'Ivoire sur la base des décisions et instruments pertinents de l'UA, à travers des consultations avec les acteurs concernés». Le président sortant qui a été déclaré vainqueur par le Conseil constitutionnel avec 51,45% des suffrages a juré qu'il respectera la Constitution, protégera les droits et libertés des citoyens et remplira consciencieusement les devoirs de sa charge dans l'intérêt supérieur de la Nation. «Que le peuple me retire sa confiance et que je subisse la rigueur des lois si je trahis mon serment», a-t-il déclaré après avoir conforté son pouvoir en s'offrant le soutien des chefs de l'armée. Guillaume Soro, le Premier ministre et chef de l'ex-rébellion des forces nouvelles qui contrôle le nord du pays depuis le putsch manqué de 2002, reconnaît Alassane Ouattara qui a été déclaré auparavant vainqueur par la Commission électorale indépendante avec un taux de 54,10%. Il lui a remis la démission de son gouvernement. «Nous reconnaissons que Alassane Ouattara est le vainqueur de cette élection», a-t-il dit, ajoutant qu'il allait «lui rendre la démission de mon gouvernement et ma démission en tant que Premier ministre». Il a jugé «injuste et inacceptable» la décision du Conseil constitutionnel de proclamer Gbagbo vainqueur en invalidant les résultats de la commission électorale. «Notre position, a-t-il affirmé, est de soutenir la proclamation faite par la Commission électorale indépendante et la certification faite par les Nations unies». Cette investiture à la magistrature suprême du président en exercice pourrait alimenter une autre crise politique et précipiter le pays dans le gouffre. De nombreux Ivoiriens accusent le président sortant de vouloir déclarer une guerre civile pour gouverner dans le désordre. Retour à 2002, date du début de la crise ? Les ingrédients d'un éclatement imminent sont réunis dans la capitale ivoirienne où la tension est montée de plusieurs crans. Les forces de l'ordre ont tué deux personnes dans le Sud où des partisans des deux concurrents se sont affrontés. Les affrontements, les échanges de tirs dans le quartier abritant la base de la force militaire française entre une patrouille de gendarmes et des inconnus armés et les manifestations de centaines de jeunes sont autant de signes annonciateurs d'une conflagration certaine. La communauté internationale qui a unanimement reconnu et salué la victoire d'Ouattara, interviendra-t-elle pour mettre un frein aux agissements du président sortant ? Ban Ki-moon, secrétaire général de l'Onu, appelle au respect de la volonté des Ivoiriens. Il demande à Gbagbo de coopérer pour une transition politique sans heurts. Catherine Ashton, chef de la diplomatie de l'Union européenne, reconnaît la victoire d'Ouattara. Elle adjoint aux partisans du président en exercice à respecter la volonté du peuple et à accepter les résultats du vote. Les quinze pays du Conseil de sécurité de l'Onu qui ont entamé jeudi des consultations urgentes sur la situation en Côte d'Ivoire. Barack Obama appelle le candidat vaincu à reconnaître la fiabilité des résultats de la commission électorale indépendante. Nicolas Sarkozy demande eu président sortant et aux responsables civils et militaires de respecter le verdict des urnes, de s'abstenir de toute initiative qui puisse provoquer la violence et de coopérer pour établir la paix et la stabilité.