Résultat n Le pays était hier soir à la croisée des chemins avec deux «présidents» rivaux, le sortant, Laurent Gbagbo, proclamé vainqueur par le Conseil constitutionnel, et Alassane Ouattara, reconnu par l'ONU et les Occidentaux comme légitimement élu. Alassane Ouattara s'est présenté hier comme «le président élu de la République de Côte d'Ivoire», en se prévalant des résultats donnés par la commission électorale, invalidés par le Conseil constitutionnel qui a proclamé vainqueur le sortant Laurent Gbagbo. «L'ONU vient de certifier les résultats proclamés par la Commission électorale indépendante (CEI) qui le créditaient de plus de 54% des suffrages», a-t-il lancé lors d'une déclaration à Abidjan. «Je suis le président élu de la République de Côte d'Ivoire. «Je demande à toutes les institutions, notamment les forces armées nationales, la gendarmerie, la police, d'assumer leur mission de protection des personnes et des biens sur l'ensemble du territoire», a poursuivi l'ex-Premier ministre, qui a appelé les Ivoiriens à «demeurer sereins» et son «frère Laurent Gbagbo» à respecter leur choix. Au pouvoir depuis 2000, Laurent Gbagbo devait être investi ce samedi à 12h. Les chefs militaires du pays lui ont fait «allégeance» dans la journée. «Nous sommes prêts à accomplir toutes les missions qu'il nous confiera», a déclaré le chef d'état-major. M. Gbagbo a été proclamé président par le Conseil constitutionnel avec 51,45% des suffrages au second tour, le 28 novembre, contre 48,55% à son rival. Le président du Conseil, Paul Yao N'dré, l'un de ses proches, a invalidé les résultats provisoires donnés jeudi par la Commission électorale indépendante (CEI), qui créditaient l'ex-Premier ministre, Alassane Ouattara, d'une large victoire : 54,1% contre 45,9%. Il l'a fait en «annulant» les votes dans une série de départements du Nord, sous contrôle de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) depuis le putsch manqué de 2002, où, selon le camp Gbagbo, le scrutin avait été «frauduleux». Le représentant de l'ONU en Côte d'Ivoire, Youn-jin Choi, l'a contredit. Il a assuré que le scrutin s'était «globalement déroulé dans une atmosphère démocratique». La présidence ivoirienne n'a pas tardé à menacer d'expulsion le fonctionnaire onusien : «M. Choi se croit au-dessus du Conseil constitutionnel», a tonné un conseiller de M. Gbagbo et ambassadeur ivorien aux Nations unies, l'accusant d'être «un agent de déstabilisation». En Côte d'Ivoire, comme à l'étranger, beaucoup craignaient une explosion de violence après deux semaines de fortes tensions marquées par une série d'affrontements sanglants. Des partisans d'Alassane Ouattara ont dressé des barricades jusqu'au cessez-le-feu nocturne et brûlé des pneus dans des quartiers populaires d'Abidjan, pour protester contre la proclamation de la victoire de Laurent Gbagbo. «On nous vole notre victoire !», criait l'un d'eux. Mais à Yopougon (ouest), fief du chef de l'Etat sortant, ses inconditionnels ont exulté aux cris de «Gbagbo président. On s'en fout de l'ONU, on s'en fout des Blancs». Echanges de tirs à Abidjan Des échanges de tirs nourris ont eu lieu dans la nuit de vendredi à samedi au sud et au nord d'Abidjan, alors que la Côte d'Ivoire était sous haute tension avec un président proclamé, Laurent Gbagbo, et un autre reconnu à l'étranger, Alassane Ouattara. A la lisière du quartier populaire d'Abobo et de la banlieue d'Anyama, au nord de la capitale économique, des tirs nourris se sont longuement fait entendre jusqu'aux environs de 07H00 (locales et GMT), ont rapporté des riverains. Aucune précision n'était disponible pour l'heure sur l'origine des tirs. Vers 04H00, dans le quartier de Port-Bouët (sud) qui abrite la base de la force militaire française Licorne et l'aéroport de la ville, une patrouille de gendarmes et des inconnus en armes ont également échangé des tirs nourris, ont indiqué une source militaire et des habitants.