Pour endiguer le fléau des migrants, les pays d'Asie du Sud-Est ont décidé de prendre le taureau par les cornes. Près de 3.000 migrants, principalement issus de la minorité musulmane des Rohingyas et du Bengladesh, ont été secourus ces derniers jours, alors que des milliers d'autres continuent de vivre le calvaire de la dure traversée sur des navires surchargés, à court de vivres et d'eau potable. Le destin tragique des nouveaux parias a pris, depuis quelques jours, une tournure particulièrement catastrophique. Les filières clandestines des passeurs, abandonnant en pleine mer des migrants ou les forçant à tenter de rallier à la nage les côtes malaisiennes et, surtout, indonésiennes où des scènes insoutenables de migrants se jetant par-dessus bord, ont été tragiquement vécues. Refoulés de Malaisie et ballottés entre la Thaïlande et l'Indonésie, les naufragés sont livrés à eux-mêmes dans un triste spectacle de « ping-pong » humain. « Nous appelons les gouvernements de la région à ne pas repousser les nouveaux bateaux qui arrivent », a déclaré le porte-parole du département d'Etat américain, Jeff Rathke. L'alerte est donc donnée. Dans cet exode vers nulle part qui fait écho au drame des migrants africains en Méditerranée, aggravé par l'errance en pleine mer des damnés chassés d'un pays à l'autre et abandonnés par des passeurs, l'espoir d'un dénouement de la crise humanitaire se fait sentir. Sous la pression des Etats-Unis appelant à une solution régionale, l'initiative d'un sommet prise par la Thaïlande, prévu le 29 mai à Bangkok, restaure un tant soit peu la dynamique de concertation et de mobilisation des pays receveurs (Malaisie, Indonésie et Thaïlande) qui ont enfin convenu de se retrouver le plus vite possible sans même attendre le rendez-vous thaïlandais. Une rencontre entre le ministre malaisien des Affaires étrangères, Anifah Aman, et ses homologues indonésien, Retno Marsudi, et thaïlandais Tanasak Patimapragorn, est programmée pour coordonner leurs actions. Face à la passivité de la Birmanie et du Bengladesh qui ne peuvent plus « s'en laver les mains », assure l'ancien président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono, et les accusations jugées stériles de l'Asean (Association des nations d'Asie du Sud-Est) et des Nations unies, l'urgence d'une solution globale et efficace est plus que jamais proclamée. Elle reste, aux yeux des spécialistes, tributaire du fonctionnement de l'Asean privilégiant le principe de non ingérence, mais aussi d'une implication plus grande de la Birmanie et du Bengladesh pourvoyeurs des milliers de migrants victimes de pratiques discriminatoires et de pauvreté endémique.