Que de symboles pour ce grand homme de théâtre, comédien hors pair, doublé de militant nationaliste de la première heure au sein du PPA, SMA, O.S, MTLD et FLN), Tahar El Amiri (de son vrai nom Abderrahmane Bastandji, qui fête ses 88 ans. Invité, jeudi dernier, dans le cadre du forum culturel « Passerelles-théâtre » organisé par l'établissement Arts et Culture de la wilaya d'Alger à l'espace des activités culturelles Bachir-Mentouri, le doyen, de la mythique troupe artistique du Front de libération nationale (FLN) durant la guerre de libération, est revenu, non sans livrer de précieux détails, sur le combat mené par les artistes algériens contre l'ordre colonial, bien avant le déclanchement de la lutte armée. Connu pourtant pour ses distances avec les médias et les déclarations publiques, l'ancien directeur général du Théâtre national algérien (TNA) n'a pas résisté cette fois à l'insistance de Brahim Noual, professeur de théâtre, et au critique Abdenasser Khellaf, qui animaient la conférence-débat. « J'ai intégré le Parti du peuple algérien (PPA) en 1945 et pris part la même année aux grandes manifestations qui ont secoué le pays cette année. Dans l'élan nationaliste qui nous animait, j'ai été par la suite enrôlé au sein de l'Organisation secrète (OS) et par la suite au FLN », rappelle-t-il avant de couper net : « Je n'aime pas parler de ma personne. Nous n'avons fait que notre devoir comme tous les Algériens qui ont combattu la France coloniale », clame-il. Pour ce monument du théâtre algérien, le FLN a mobilisé, pour le combat libérateur, toutes les classes sociales (travailleurs, étudiants, Fellah, intellectuels, cadres politiques, sportifs, Ulémas...) mais aussi les artistes qui ont rejoint le front en Tunisie, pour constituer la troupe artistique comptant d'illustres noms tels que Mustapha Kateb, Abdelhalim Raïs et bien d'autres hommes de culture. « Notre rôle, à travers les pièces que nous produisions, était de dire au monde que l'Algérie n'était pas française. Que notre pays avait sa culture, sa langue, ses traditions et donc son identité. De même que nous étions engagés dans la vulgarisation du combat libérateur sur les deux plans politique et militaire », poursuit-il en donnant pour exemple la trilogie de Raïs, « Les fils de la Casbah », « Le Sang des hommes libres » et « Les Eternels ». Il n'a pas manqué au passage de dire tout le bien de Mahieddine Bachtarzi, qu'il considère tout simplement comme étant le père du théâtre algérien, mais non sans réduire d'importance la place de tous ceux qui ont contribué à la naissance du quatrième art bien de chez nous, tels que Allalou, Rachid Ksentini, Mohamed Ettouri...Sur les précieuses archives de la troupe du FLN convoitées notamment par les chercheurs et les universitaires, Taha El Amiri a laissé entendre que le regretté Mustapha Kateb détenait une bonne partie, tout en affirmant que les documentations se résumaient en gros en articles de presses et des photos. Invité à s'exprimer sur la situation actuelle du théâtre, il n'est pas allé par quatre chemins pour dire tout le mal qu'il y pense. « La production est très faible d'année en année, en comparaison avec ce qui se passe ailleurs, dans les grands festivals internationaux », dit-il en relevant le volet formation qui ne plaide pas, selon lui, en faveur de la professionnalisation des métiers du théâtre. Selon l'ancien comédien, producteur et responsable à l'ex Radio et télévision algérienne (RTA), la formation académique n'est pas le seul processus à même de produire de bons comédiens parce qu'il faut du talent, du sacrifice et surtout de la passion pour espérer à un tel résultat. L'artiste ne doit pas aussi être concerné par le statut de retraité, à moins qu'il le décide de son propre gré.