« Hob El Mafkoud » est une pièce inscrite au programme de la manifestation « Constantine, capitale de la culture arabe 2015 ». Cette œuvre, écrite dans un langage châtié et simple, dure une heure et demie. La scénographie est signée Abdelhalim Rahmouni et la musique Mohamed Zami. Elle traite du retour de Massenssen à Cirta pour récupérer son royaume. Il s'agit d'une fresque historique mise en scène par Ahmed Benaïssa qui aborde des événements marquants de l'histoire de la Numidie et la place qu'occupait Cirta (Constantine). Cependant, il est offert au spectateur une relecture de l'histoire, une vision nouvelle, une autre approche artistique rehaussée avec des interrogations et des non-dits. « Hob El Mafkoud » a plongé le public dans une profonde réflexion autour des notions de liberté, d'intérêts et d'attrait du pouvoir, autour d'une création très « mouvante » et des acteurs qui occupent intelligemment toute la scène. Le rideau se lève sur un spectacle chorégraphique, puis le comédien Feth Allah Malek, dans le rôle du raoui ,(le conteur) raconte, dans un style captivant et particulier, les héros de cette pièce que sont le général romain Scipion dit l'Africain, le Carthaginois Hannibal Barca et son général Hasdrubal, Syfax le roi de Massaessylie (Numidie occidentale dont la capitale était Siga, actuelle Aïn Témouchent), Massinissa le roi de la Numidie orientale ou Massylie dont la capitale était Cirta et, surtout, la belle Sophonisbe, la fille du général Hasdrubal, convoitée pour sa beauté légendaire, en plein cœur des guerres puniques, par Syfax et Massenssen. Ce dernier n'avait d'autre souci que de protéger le royaume numide contre les Romains. Il était tellement rusé, si expérimenté sur le plan militaire, qu'il déroute ses ennemis qui ne savent plus quoi faire, donner du crédit à ses offres de paix ou le combattre. Ce stratège, qui brouille toutes les cartes, fait preuve de la plus grande vaillance en menant de sanglantes batailles. Le rôle de Sophonisbe est magnifiquement interprété dans cette œuvre théâtrale qui a suscité beaucoup d'émotion, notamment dans deux passages. La première émotion, c'est lorsqu'elle dit à son amoureux « perdu » Massenssen : « Le pouvoir et la politique ne font pas bon ménage avec l'amour. » La seconde est marquée dans l'épilogue par son suicide dans les bras de sa meilleure amie et confidente, Azlane, pour éviter le déshonneur, notamment à la défaite de Syphax et d'Hasdrubal dans la bataille des grandes plaines face aux armées romaines. Avec une scénographie soignée, des costumes olympiens qui renvoient à l'époque de l'histoire des Numides, la pièce met en scène seize jeunes comédiens et six chorégraphes de différentes wilayas du pays dont Tlemcen, Oran, Tamanrasset, Tizi Ouzou, Bejaia, Alger et Sidi Bel-Abbes. Côté comédiens, on retrouve Nassima Zaïchi, Karim Hemzaoui, Ouahiba Baâli, Abdellah Nemiche, Sofiane Mokhtar, Houcine Bensmicha, Adel Terbahi, Tarek Fakir, Abdelkhalek Guenad, Fethe Allah Malek, Abdelhak Sabaâ, Yacine Djouzi et Amine Bouri. Pour ce qui est de la chorégraphie, elle est assurée par Youcef Wahrani, Yasser Merzak, Tahar Hafs, Athmane Bouanani, Bounouar Laïdouni et Abdelouahab Merdji, largement appréciée par un public connaisseur. Ce dernier a notamment été subjugué par le talent de la jeune comédienne Ouahiba Baâli venue de Tamanarsset. Tout comme d'ailleurs l'auteur, Abdelkrim Gheribi, et le public qui n'ont pas tari d'éloges sur la comédienne. A ses côtés d'autres prestations qui n'ont pas manqué de briller non plus. Que cela soit dans la gestuelle, le jeu de mots, le tout en harmonie avec un décor en constant mouvement, les personnages ont réussi à se compléter et alternent des discours parfois désuets mais d'actualité. L'objectif recherché à travers cette pièce, qui met en lumière une page glorieuse de l'histoire de l'Algérie et de Constantine, est de convaincre les jeunes générations que le peuple algérien possède un riche passé qui doit être davantage mis en valeur. Cette pièce théâtrale sera encore représentée dans plusieurs wilayas de l'Est puis dans l'Algérois. Toutefois, les publics de l'Ouest et du Grand Sud algérien en seront privés pour des raisons que les responsables n'ont pas fournies. « Dommage ! », lance, contrarié, l'auteur de cette pièce, Abdelkrim Gheribi, qui déclare à propos de son œuvre : « Les Grecs nous ont appris à écrire. Cette fiction est didactique, avec une relecture aisée qui s'adresse au grand public et met en valeur ces traces oubliées de l'Algérie. Nos questions n'ont pas de réponses. L'accomplissement de cette belle œuvre sur notre histoire est venu à la suite d'un travail élaboré sur six mois de préparation et dix-huit mois d'écriture. J'ai collecté des informations à partir de 25 bibliographies. » Cette recherche l'a amené, dit-il, à s'intéresser à l'histoire des ancêtres de ces monarques, dynastie nord-Africaine, méconnue, selon lui, du grand public. La réalisation de cette pièce de théâtre, au-delà de son aspect didactique destiné à faire redécouvrir l'histoire à nos jeunes générations, démontre l'existence d'une grande civilisation émancipée depuis au moins le IVe siècle avant-Jésus-Christ, celle des Numides ou Imazighen, les ancêtres de l'Algérie et de l'Afrique du Nord, a ajouté l'auteur.