A vienne, les hauts responsables chargés des questions d'intégration de dix pays européens, dont l'Allemagne et la Suède, se sont retrouvés. Voici venir le temps de l'Europe des barricades aux antipodes des dogmes des droits de l'homme et du droit d'asile longtemps érigés en instrument de déstabilisation en Afrique et au Moyen-Orient des tentations néo-coloniales. En Slovaquie, le ministre de l'Intérieur, Robert Kalinak, se vante même des frontières bien gardées pour offrir pour seule alternative le choix entre la détention ou le retour. La police a procédé à la détention de 700 « migrants économiques » rapatriés « petit à petit » de la Slovaquie qui se refuse résolument à accueillir les demandeurs d'asile, en consentant seulement l'entrée d'une centaine de Syriens de confession chrétienne. « Nous avons réussi à repousser le plus gros de la pression migratoire qui s'exerçait en août et en septembre », a affirmé le ministre de l'Intérieur découvrant toute la détresse humaine des migrants qualifiant la Hongrie de « barrière » et la Slovaquie de « prison ». Même dans la vieille Allemagne, le rêve de l'eldorado longtemps caressé a connu ses limites. Berlin, qui s'attend à accueillir entre 800.000 et un million de réfugiés et de migrants cette année, verrouille ses portes et négocie au prix fort la coopération d'Ankara pour tenter d'endiguer le flux ininterrompu qui arrive de Turquie. Tout vient à changer pour la locomotive européenne désormais acquise à la limitation du droit au regroupement familial pour les réfugiés syriens et une éventuelle modification du droit d'asile mise sur la table par le ministre de l'Intérieur, Thomas de Maizière, et pourtant rejetée par les alliés sociaux-démocrates du SPD. « Nous devons envoyer au monde un message clair : nous sommes tout à fait disposés à aider, nous avons montré que nous l'étions, mais nos capacités d'accueil sont limitées », a déclaré, dimanche dernier, le ministre des Finances, Wolfgang Schaüble, lors d'un entretien accordé à la chaîne télévisée ARD. Dans l'autre destination scandinave privilégiée, hantée par la montée de l'extrémisme (21,1% pour le parti d'extrême droite au Danemark aux élections de juin et 25,5% des intentions de vote pour les démocrates de Suède), l'idéal de la tolérance et de havre de paix se fissure. Le durcissement de la politique migratoire s'accompagne du climat détestable xénophobe et islamophobe. Dans le premier pays européen d'asile (190.000), l'on assiste, ces derniers mois, à une exacerbation de la violence qui a atteint son paroxysme avec l'attaque commise le jeudi 22 octobre par un jeune Suédois contre une école accueillant des enfants issus de l'immigration. Le chant de sirène s'est tu en Suède forcée de réduire ses ambitions. « Nous ne pouvons plus garantir de logement à tous les réfugiés. Si vous avez un toit au-dessus de votre tête en Allemagne, mieux vaut sans doute y rester », a reconnu le ministre de l'Immigration, Morgan Johansson. Le royaume scandinave (1/5e de la population d'origine étrangère) qui se prépare à recevoir 360.000 nouveaux migrants en 2015 et 2016 (l'équivalant par tête d'habitant de 3 millions d'entrées à l'échelle de l'Allemagne et 2,2 millions à celle de la France) a décrété la situation intenable. En fin de semaine, le Premier ministre suédois, Stefan Löfven, qui excluait encore au printemps l'idée d'un « plafond », a concédé que « la Suède ne peut plus accueillir les réfugiés comme elle l'a fait jusqu'ici ». Les frontières se referment sur cette tragédie du siècle qui s'inscrit dans la dérive sanglante du Grand-Moyen-Orient destructeur et du « printemps arabe » de l'exode massif. Plus que la responsabilité pleinement engagée dans un drame à nul autre pareil, l'Europe, qui a tourné le dos au droit d'asile, a perdu son âme.