Dès samedi 1er janvier 2011, 17 familles algériennes avaient des raisons de s'inquiéter pour leurs proches, des marins embarqués dans un navire de la marine marchande battant pavillon algérien. Ils sont 17 nationaux parmi les 27 membres d'équipage qui constituent la population du MV Blida, c'est le nom du bateau, un vraquier détourné au large de la côte d'Oman par les pirates somaliens qui écument les eaux territoriales internationales à partir de leurs côtes. Les pirates somaliens ont détourné ce bateau dans l'océan Indien alors qu'il se rendait vers Dar Es-Salaam, en Tanzanie, depuis Salalah à Oman. Cet acte de piraterie touchant un pavillon algérien est le premier de son genre, les pirates somaliens n'ayant jamais auparavant attaqué un bateau algérien. DES QUESTIONS ET DES INQUIETUDES Une fois la nouvelle connue, les premières préoccupations des autorités algériennes étaient de s'enquérir du sort des marins, mais aux premières heures de l'acte de piraterie, tous les moyens de télécommunications sur le bateau avaient été neutralisés et il était impossible d'entrer en contact avec les marins, encore moins avec leurs ravisseurs. Un communiqué émanant du ministère algérien des Affaires étrangères affirmait, le dimanche 2 janvier 2011, qu' «aucune revendication n'a été faite pour le détournement», ajoutant qu'une cellule de crise a été formée pour suivre les dernières évolutions de l'affaire. Nacer Mansouri, directeur-général d'International Bulk Carriers (IBC), société propriétaire du bateau qui avait été affrétée par une entreprise jordanienne et qui transportait du mâchefer, un produit utilisé pour fabriquer le ciment, s'était exprimé le même jour sur les ondes de la radio et avait expliqué, en parlant des marins, que «leur sort restera inconnu jusqu'à ce que nous recevions un contact de la part de ces pirates qui attendent habituellement au moins une semaine avant de commencer à réclamer une rançon». Mercredi 5 janvier, le ministre des Transports, Amar Tou, annonce que le MV Blida est localisé et que les autorités suivaient ses mouvements grâce à un système (COSS) de sécurité navale. Cela étant, aucun contact n'avait pu encore s'établir avec les pirates ou avec les membres d'équipage, dont 17 Algériens, le capitaine du navire, 5 marins de nationalité ukrainienne, deux Philippins, un Jordanien et un Indonésien. Le MV Blida a été piraté à 278 kilomètres de la côte omanienne, selon des informations fournies très tôt par la mission anti-piratage de la Force navale de l'Union européenne (EUNAVFOR). Un fait qui dégage le capitaine de toute responsabilité liée à une éventuelle entrée du navire dans une zone réputée de piratage, car les pirates somaliens se montrent de plus en plus audacieux, s'aventurant plus au large, très loin des zones où ils avaient déjà capturé et rançonné des dizaines de bateaux. UNE AUBAINE POUR LES ASSURANCES ET LES SOCIETES DE SURVEILLANCE Depuis le début du dernier mois de l'année 2008, la décision a été prise de mobiliser, pour surveiller et protéger la zone où sévissent les pirates, pas moins de 20 bâtiment et plus de 1 800 hommes, à travers l'opération européenne «Atalante». Comme si cette volonté d'interposition internationale avait été une espèce de stimulant pour les pirates somaliens, les attaques avaient, au lieu de diminuer, connu une augmentation spectaculaire, passant de 111 en 2008, jusqu'à leur quasi-doublement en 2009 (219 attaques). Les pertes occasionnées aux compagnies maritimes dont les navires traversent le Golfe d'Aden deviennent de plus en plus importantes. Mais les actes de piraterie ne sont qu'un élément déclenchant d'un ensemble d'implications économiques qui constituent un cauchemar pour les armateurs. Les assurances et les sociétés de surveillance, elles, y trouvent leurs comptes. Les premières ayant très vite procédé à une réévaluation du risque de traversée du Golfe d'Aden, passant du R0 (risque ordinaire évalué à 900 dollars US) au RG (risque de guerre évalué à 9 000 dollars US) ; cela en y ajoutant la préconisation d'une nouvelle assurance pour le personnel de bord. Ces nouvelles dispositions, une fois connues des pirates somaliens, ont encouragé ces derniers à augmenter les montants des rançons. Les secondes se sont érigées en alternative préventive coûteuse au paiement des rançons, de toutes les manières formellement interdit par les instances politiques internationales. Ce qui a poussé à la décision de faire monter des «personnels de guerre» privés appartenant à des sociétés spécialisées. Résultat de ces dispositions : les compagnies perdent beaucoup d'argent, chaque année, et même celles qui décident de contourner par le cap de Bonne Espérance, pour ne pas avoir à passer par le Golfe d'Aden, subissent des frais supplémentaires se chiffrant en centaines de milliers de dollars. En fait, le Golfe d'Aden est une route maritime économique qu'empruntent pas moins de 12% des navires qui sillonnent les océans. Ce couloir maritime se trouve à quelques vagues d'un pays en ruine, sans Etat et sans autorité, où en alternative à une économie classique, et devant l'insuffisance évidente de l'activité de pêche, s'est structurée une véritable industrie de la piraterie avec entre 1 000 à 2 000 pirates qui écument le périmètre, sabordant sous la menace de lance-roquettes des navires désarmés, pour une prise d'otages des équipages, des navires et des cargaisons. QUI SONT LES PIRATES SOMALIENS ? Le problème des pirates somaliens fournit aujourd'hui les colonnes des journaux algériens et il est normal que l'on se pose la question de savoir qui sont ces pirates somaliens. Quelle est la réalité qui se trouve derrière ce phénomène ? Ces pirates qui écument l'océan Indien sont des Somalis. La différence entre Somalien et Somali tient au fait que le premier est tout simplement citoyen somalien et que le second appartient à un groupe ethnique spécifique vivant dans plusieurs pays de l'Est de l'Afrique : toute la Somalie, le nord-est du Kenya, l'Est de l'Ethiopie et une partie de Djibouti.