Les émeutes qui ont touché l'Algérie et la Tunisie ont des caractéristiques communes. Elles sont pourtant dissemblables sur un point fondamental. La jeunesse de nos voisins frappés également de plein fouet par le chômage des diplômés est sortie dans la rue pour exprimer la colère. Sans recourir toutefois à la même violence aveugle. Ces derniers jours, beaucoup d'analystes ont voulu voir dans l'inexistence de médiateurs politiques et sociaux dans notre pays la source de cette violence qui s'est déversée dans la rue. Le citoyen tunisien n'eut pas beaucoup à déplorer d'assauts contre des infrastructures publiques comme les banques, les sièges d'assurance et encore moins les écoles. Les autorités n'ont exprimé leur rejet des «actes de destruction et de vandalisme contre des biens publics par des groupes de personnes ayant fait usage de cocktails Molotov, des pierres et des bâtons» qu'après des affrontements sanglants du week-end à Thala et Kasserine. De prime abord, on serait tenté d'expliquer cette différence par le caractère foncièrement différent des deux peuples. La violence sociale et historique a marqué plus profondément les esprits et nos voisins ont toujours reproché, voire envié le caractère frondeur de l'Algérien. Il s'enflamme plus vite et supporterait moins les vexations et la hogra. Karim Khaled, chercheur au Cread, a une autre vision sur la genèse de la violence dans notre société. «Il s'agit davantage d'un phénomène transgénérationnel qu'intergénérationnel». Les Algériens et les jeunes ne seraient pas plus ou moins violents que le reste de l'humanité. «La nature, nous dit-il, forme mais la société déforme», estime le chercheur qui a mené beaucoup d'enquêtes sur la violence en milieu scolaire. La résorption du potentiel de violence réside dans la définition d'un projet de société qui réconcilie l'Algérien avec lui-même et la rupture avec la logique économiciste qui réduit tous les problèmes à des questions d'ordre matériel.Pour lui, «c'est la meilleure manière de différer les explosions nées d'abcès pas voulu crevés en s'appuyant sur l'anticipation qui doit être le propre de tout Etat». Le sociologue trouve regrettable que «les médias, notamment la télévision comme je l'ai vu récemment sur des chaînes étrangères, n'ouvrent pas de débats contradictoires sur cette problématique». Cela ne sera nullement une tribune de dénigrement mais d'apaisement de nos sociétés fiévreuses. L'école joue à coup sûr un grand rôle dans cette socialisation en inculquant les valeurs de civisme. En Tunisie, on la dit plus performante et plus stable à l'image de toute la société qui n'a pas été ébranlée par la violence terroriste. Karim Khaled voit à juste titre dans les manifestations de violence «un symptôme post traumatique».