L'opposition vénézuélienne a pris, hier, les rênes du Parlement pour la première fois depuis 16 ans. Le passage a eu lieu dans un contexte de fortes tensions entre le pouvoir chaviste (du nom du président défunt Hugo Chavez, au pouvoir de 1999 à 2013) et l'opposition. Pour la première fois, depuis 1999, la coalition d'opposition, réunie sous le nom de Table de l'unité démocratique (MUD), aura la majorité, avec deux tiers des sièges (112) dominant ainsi le Parlement unicaméral du Venezuela. Le climat d'instabilité politique s'est renforcé ce week-end avec des appels à manifester hier en provenance des deux bords, faisant craindre des violences. Mais la tension est retombée d'un cran, dans la nuit de lundi à mardi, le président Maduro ayant garanti une prise de fonction « pacifique » des nouveaux députés. Cependant, les nouveaux députés prennent leurs fonctions dans une insécurité juridique, après la décision du Tribunal suprême de justice (TSJ), la plus haute autorité judiciaire du pays, de suspendre l'élection de trois députés de l'opposition et d'un chaviste dans l'Etat d'Amazonas (sud). Elle prive, au moins provisoirement, l'opposition de sa majorité. Or, cette majorité qualifiée donne au camp politique qui détient de larges prérogatives, dont celles de convoquer un référendum, de mettre en place une Assemblée constituante, voire d'entraîner, via une réduction de la durée de son mandat, le départ anticipé du Président. Elu dès dimanche nouveau président du Parlement, Henry Ramos Allup, un antichaviste farouche, a aussitôt assuré que les 112 députés de l'opposition seraient présents mardi. « Aucune décision bureaucratique et encore moins celle prise par un corps absolument dépourvu à l'origine de légitimité ne peut perturber, ni faire échouer ou voler la volonté populaire », a déclaré cet avocat de 72 ans. Dans la foulée du recours contre ses députés, l'opposition avait dénoncé auprès de l'ONU et l'Union européenne un « coup d'Etat judiciaire » du parti majoritaire. Parmi les autres mesures prises par le pouvoir chaviste pour limiter la marge de manœuvre de l'opposition, les députés ont approuvé le 23 décembre 2015 durant la dernière session du Parlement chaviste, la nomination de 34 magistrats du TSJ. La MUD conteste leur légalité. Lundi dernier, un « Parlement populaire », également installé fin décembre par l'Assemblée sortante a siégé pour la première fois. Cette instance « de pouvoir parallèle » est prévue par une loi de 2010 mais non par la Constitution. Elle rassemble les représentants des « communes populaires », des structures de pouvoir participatif considérées comme la pierre angulaire du chavisme.