Le monologue « El Assas », interprété, mercredi dernier au soir, par Saber Ayeche, sur les planches du théâtre régional de Constantine dans le cadre du mois du monologue, a administré la preuve que « handicapé » ne rime pas forcément avec « coincé ». Avec « El Assas » (l'agent de sécurité), Saber, artiste aux besoins spécifiques, aborde avec entrain et beaucoup d'humour, mais sans le moindre complexe, le vécu souvent difficile des personnes souffrant d'un handicap. L'humoriste, avec un aplomb déconcertant, s'attaque dans son spectacle à un sujet hautement sensible, dépeint les situations quotidiennes liées au handicap, les stigmatisations et les clichés que véhiculent les « valides », réussissant à arracher des fou-rires tout au long du show. Le spectacle s'ouvre sur un décor simple, composé d'un bureau et d'une chaise. Saber commence par s'interroger comment peut-on désigner une personne handicapée à un poste d'agent de sécurité d'une entreprise. Au milieu de l'hilarité générale, « El Assas » relate depuis son bureau le « choc d'un voleur » qui s'est aventuré un jour dans l'entreprise avant de se retrouver déconcerté puis totalement désarmé devant un agent de sécurité handicapé et finit par prendre la poudre d'escampette. L'humoriste, d'un « coup de griffe » théâtral, aborde la précarité dans laquelle vit la catégorie des personnes aux besoins spécifiques et évoque la pension « maigre et dérisoire » que touche la majorité des personnes appartenant à cette frange de la société. Dans un discours tout en dérision, ironique à souhait, quelquefois caustique aussi, avec un brin de cynisme, le comédien assène les « vérités » grotesques des « valides » qui ont quelque mal à considérer la personne handicapée comme un être « normal » capable d'aimer, de détester et même de se révolter. Sur un rythme effréné et tourbillonnant, l'artiste abonde dans les déboires de ceux qu'il appelle « les damnés sur terre », réduits à être « des quémandeurs » d'aides et de droits, et épingle les officiels qui font de la journée des personnes aux besoins spécifiques « une journée folklorique » pour rabâcher « les acquis virtuels » de cette catégorie. Saber Ayeche a estimé, après le spectacle, que l'autodérision est une manière de « briser les barrières et de transmettre des messages ». Il a également affirmé que le fait de rire avec les personnes handicapées est une façon de « changer le regard et les mentalités ». Cet artiste constantinois qui a lui-même écrit son spectacle, a précisé à l'APS que la créativité « n'est pas forcément inaccessible à une personne souffrant d'un handicap ou d'une malformation ». Organisé par le département Théâtre de la manifestation « Constantine, capitale 2015 de la culture arabe », le mois du monologue permettra au public constantinois de découvrir et d'apprécier, jusqu'à la fin février, plusieurs autres one-man-shows dont « Homeless » de Moufida Addas, « Vive moi » de Kamel Abdat et « Made in Algeria » de Mohamed Khassani.