La contestation se durcit en Tunisie où la tension est à son comble dans la rue, en dépit de tous les gages d'ouverture démocratique donnés et des premières mesures sociales annoncées par le gouvernement de Mohammed Ghannouchi.Ni le lifting du gouvernement de transition. Ni la démission du président du Sénat, Abdallah Kallel. Ni les nouvelles nominations dans le corps des gouverneurs et des ambassadeurs. Ni l'arrestation de 698 personnes pour « sabotage, agressions et pillages ». Ni le mandat d'arrêt international lancé contre le président déchu, Zine El Abidine Ben Ali et son épouse, Leïla Trabelsi. Ni l'intention des autorités tunisiennes de traduire devant la justice six membres de la garde présidentielle de Ben Ali, pour incitation à des violences après la chute du chef de l'Etat. Ni l'installation des trois commissions chargées, la première des réformes politiques, la seconde, sur les malversations et la corruption et la troisième sur les abus. Ni l'allègement du couvre-feu, en vigueur de 22h à 04h. Ni encore l'appui de l'armée au gouvernement pour éviter le chaos n'ont calmé la colère des Tunisiens. Dans la rue, pour la quatrième journée consécutive, ils maintiennent leur exigence : effacer toute trace du RCD. Y compris les ministres en place sous Ben Ali. Bien avant l'annonce de la liste du nouveau gouvernement, du taux de réussite de sa « grève générale » à Sfax, bastion historique du syndicalisme avec « le débrayage de milliers de travailleurs de tous les secteurs » et du bilan des affrontements qui se sont produits, hier matin, à la place du gouvernement à la Kasbah, entre les manifestants, notamment ceux qui observent un sit-in à l'avenue Bab Bnet et les forces des unités d'intervention, l'UGTT (Union générale des travailleurs tunisiens), programme pour aujourd'hui, une « grève générale » et « une manifestation à Sidi Bouzid, foyer de la Révolution du Jasmin qui fait des émules en Egypte, Jordanie et au Gabon. Mot d'ordre : le départ du Premier ministre, Mohamed Ghannouchi et de son gouvernement et la formation d'un nouvel exécutif épuré des caciques ministres de Ben Ali qui occupent curieusement les postes-clés (Défense, Intérieur, Finances, Justice, Affaires étrangères). Hier, dans l'attente de l'annonce de ce remaniement, présenté par certains comme l'ultime tentative de Ghannouchi de jouer sa survie, la sécurité a été renforcée aux abords de l'esplanade de la Kasbah, cœur du pouvoir politique à Tunis. A défaut de ce gouvernement souhaité, ils menacent de créer un conseil national pour protéger leur Révolution de l'Etat policier mis en place par le président déchu Zine Ben Ali et qui n'a pas été démantelé. « A défaut de changements de fond, les choses pourraient vraiment revenir au point de départ », prévient Ali Zeddine, vice-président de l'Organisation tunisienne des droits de l'homme.