Tunis était calme hier. Si elle fut secouée la veille par de violents affrontements entre policiers anti-émeutes et des centaines de manifestants délogés manu militari du quartier des ministères, le pays a renoué avec le calme. Il semble désormais amorcer sa transition. Le remaniement gouvernemental réclamé par la rue a conduit à l'éviction de la quasi-totalité des ministres issus de l'ancien régime. Les citoyens veulent reprendre une vie normale et expriment une réserve sur la persistance des actes de vandalisme et de casse.Des commerçants ont prêté main forte à des policiers qui pourchassaient des manifestants dans les petites rues autour de l'avenue Habib Bourguiba. Dans une interview télévisée vendredi, le Premier ministre tunisien contesté, Ghannouchi, a résumé l'enjeu de la nouvelle situation : «Les deux défis essentiels qui se dressent devant la Tunisie sont la transition démocratique et la relance de l'activité économique. Le pays a toutefois, selon lui, «tous les moyens nécessaires pour réussir cette transition démocratique qui permettra à tous les Tunisiens, toutes appartenances politiques confondues, de s'exprimer en toute liberté et de choisir leurs dirigeants après cette phase transitoire», a-t-il encore affirmé. Insistant sur la nécessité d'une reprise rapide de l'activité économique, il a souligné que malgré une «conjoncture difficile», les réseaux d'électricité et de télécommunications n'ont pas été interrompus. Même les rappeurs tunisiens bannis des ondes et harcelés par les autorités sous l'ancien régime devaient se produire pour la première fois samedi lors d'un concert doublé d'un rassemblement politique. Ce tableau serein a été toutefois entaché par des échauffourées dans une localité du nord-ouest du pays. Trois membres des forces de l'ordre ont été blessés par des jeunes manifestants qui ont incendié vendredi soir le siège de la sécurité intérieure. Les trois hommes, deux policiers et un soldat, ont été blessés en voulant dans un premier temps empêcher un groupe d'environ 200 personnes d'attaquer des commerces du centre-ville de Tajerouine. Le temps est au calme et aux comptes. Le nouveau gouvernement tunisien doit lancer «d'urgence» des enquêtes sur la mort de dizaines de manifestants et habitants, tués par les forces de l'ordre lors du soulèvement des dernières semaines, a déclaré Human Rights Watch (HRW). «La situation évolue vite en Tunisie, mais il faut déterminer qui a ouvert le feu sur les manifestants et pourquoi», a affirmé le responsable de l'organisation de défense des droits de l'Homme pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, au cours d'un point de presse.