Le colloque consacré à l'Aguellid (roi) s'est achevé, dimanche dernier, à l'hôtel Marriott de Constantine, sur des conférences et des débats de qualité entre le public et les différents intervenants. Ainsi, M'hamed Fantar, professeur émérite d'Historie ancienne et d'archéologie, (Université de Tunis), s'est penché sur la politique culturelle qu'a dû mener Massinissa durant son règne. Selon lui, « même si Massinissa était un amoureux de la culture romaine et un philhellène, cela ne l'avait pas empêché de s'intéresser à différents aspects de la culture punique ». « C'était un chef d'Etat qui encourageait le commerce et l'économie, mais qui avait mis en œuvre un véritable projet culturel pour son royaume. Il souhaitait voir la numidisation de son vaste territoire mais sans être fermé sur la Méditerranée. Et comme il connaissait Carthage, il adorait sa culture et sa langue qu'il considérait comme très élaborée et répondait aux besoins à la fois politiques et socioculturels » a-t-il expliqué. Pour sa part, Djahida Mehentel de l'Université Alger 2, a choisi d'aborder un thème sensible en se penchant sur l'origine de l'alliance de Massinissa avec les Romains. Elle a soutenu que contrairement à ce que certains historiens ont avancé, c'est « Rome qui voulait une alliance avec Massinissa et non le contraire, parce que tout simplement ils le craignaient. Preuve s'il en est, cette alliance avait duré même après sa mort, même si ses enfants n'avaient plus le même poids ». Elle ajoutera que Massinissa était très influencé par la culture punique et que c'est parce qu'il voulait protéger son royaume qu'il est entré en conflit avec Carthage. Former des archéologues et historiens maghrébins Mustapha Khanoussi, directeur de recherche historique et archéologique, professeur d'histoire ancienne à l'Institut national du patrimoine à Tunis, s'est intéressé au Maqdes de Massinissa et au culte royal en Numidie orientale. Après plusieurs études archéologiques et architecturales détaillées, une inscription découverte il y a 110 ans à Dougga prouve que le monument auquel elle appartenait est un monument de culte funéraire rendu à Massinissa », a-t-il affirmé en précisant qu'il a été édifié après sa mort. Mustapha Khanoussi, qui fut également conservateur en chef des sites de Carthage, Chimtou et Dougga, est auteur de nombreuses études scientifiques et culturelles. En marge de son intervention, il a confié qu'« il est temps pour l'Algérie et la Tunisie de déployer leurs efforts en vue de valoriser le patrimoine commun ». « La coopération doit prendre un nouveau départ dans le domaine de l'archéologie. Nous devons nous donner les moyens pour analyser les sites archéologiques de nos territoires. Pourquoi devons-nous à chaque fois faire appel à des spécialistes français ou italiens pour nous parler de notre patrimoine ? Il faut mettre en place un vrai travail de coopération et réfléchir à former des équipes d'archéologues et d'historiens maghrébins. Nous avons la même préhistoire, la même protohistoire, la même histoire médiévale et la même histoire contemporaine, donc une mémoire commune. Nous sommes condamnés à avoir un futur commun », a-t-il ajouté. Concernant l'hostilité des Tunisiens envers Massinissa qui subsiste jusqu'à aujourd'hui, M. Khanoussi déplore qu'un fait historique soit encore d'actualité chez certains de ses compatriotes qui, dit-il, « n'ont rien compris à l'histoire ». Il a dévoilé l'origine de cette méprise. « Après l'indépendance du pays, les Tunisiens se sont approprié l'identité carthaginoise et le héros c'était Hannibal et le traître c'était Massinissa. La lecture officielle de l'histoire est de considérer Massinissa comme tel parce qu'il avait aidé les Romains à vaincre Hannibal. Mais du point de vue historique, il faudrait une rectification. Les Tunisiens oublient que les Carthaginois étaient des conquérants et Massinissa avait un projet d'élever un Etat, il revendiquait les terres de ses ancêtres et n'importe aurait fait la même chose ». En tout cas, de son point de vue, « ce chapitre de l'histoire, conditionné par un contexte politique très particulier, doit être revu ».