Le Bahreïn s'installe dans la foulée de la contestation. Comme en Tunisie, Egypte, au Yémen, en Irak, Jordanie, Libye, la rue de ce petit royaume réclame des réformes politiques et sociales. Au troisième jour des manifestations, place des Perles rebaptisée place Tahrir, à Manama, les milliers de manifestants qui ont passé la nuit sous des tentes dans la capitale, affirment qu'ils ne décamperont pas avant que « le gouvernement ne trouve une solution pour le peuple de Bahrein». Ils resteront, disent-ils, « pendant des semaines, voire des mois » pour réaliser « pacifiquement » leurs revendications (arrêt des discriminations, démission du Premier ministre, qui gouverne depuis 1971, soit depuis l'indépendance du royaume et l'adoption d'une nouvelle Constitution). Les Etats-Unis qui ont choisi ce royaume pour y « baser » la cinquième flotte de l'US Navy se disent « très préoccupés ». Comme pour montrer cheïkh Hamad ben Issa Al Khalifa qu'il doit aller au-delà de ses condoléances aux familles des victimes, de sa promesse d'une commission d'enquête pour faire la lumière sur les circonstances de la mort des deux jeunes chiites dans la dispersion de manifestations lundi et mardi, donner son feu vert aux manifestations pacifiques, de la subvention aux produits de première nécessité, l'octroi d'une enveloppe de 2.700 dollars par famille et de l'arrestation des policiers responsables présumés de la mort des deux jeunes manifestants, l'opposition chiite, qui est derrière la protesta, hisse haut la barre de ses revendications. « Nous réclamons un Etat démocratique, (...) une monarchie constitutionnelle dans laquelle le gouvernement serait élu par le peuple », déclare cheïkh Salmane, le chef de l'association de l'Entente nationale islamique ou Al-Wifaq, dont les 18 députés ont annoncé mardi leur retrait du Parlement pour protester contre les violences policières. Précision du cheïkh qui « aspire au jour où nous aurons un gouvernement élu, auquel le peuple demandera des comptes » : son mouvement qui invite le gouvernement à « engager un dialogue » avec l'opposition sur des réformes à réaliser et « selon un calendrier précis », ne veut ni un Etat religieux ni transformer le Bahreïn en une «wilayat al-Faqih». Décodé, l'Arabie saoudite, le grand voisin, et les Etats-Unis, le principal allié de Manama, n'ont aucun souci à se faire. Les chiites qui sont majoritaires dans le royaume (70% de la population) refusent désormais d'être gouvernés par la dynastie sunnite. Selon cheïkh Salmane, sept groupes de l'opposition chiite, libérale et de gauche, organiseront ce samedi à Manama « une marche de soutien » avec ceux qui campent, place de la Perle. L'actuel mouvement de contestation, qui été lancé à l'initiative d'internautes, le 14 février, et qui semble peu confessionnel, finira-t-il par être récupéré et débordé par les « politiques » chiites partisans du slogan « le peuple veut la chute du régime ». Selon plusieurs analystes, ces manifestations dans l'île-Etat du Golfe de 741 km 2 et d'1,2 million d'habitants dont 54% d'étrangers, pourraient provoquer des turbulences dans la région. Notamment les pays qui ont des communautés chiites marginalisées. Comme l'Arabie Saoudite et le Koweït qui sentiraient déjà le chaud venir.