En Iran, au Bahreïn, au Yémen, en Jordanie et en Irak, dans presque tout le monde arabo-musulman, retentissent désormais les échos du soulèvement populaire égyptien. Et, demain, probablement, en Algérie, en Libye et au, Maroc. Mais si le ras-le-bol social et le désir de démocratie sont les mêmes, les contextes, objectifs et aspirations des peuples dans ces pays sont différents. Mustapha Alani, analyste au Centre de recherche du Golfe à Dubai, souligne la différenciation en indiquant que «chaque endroit interprétera les conséquences de l'Egypte à sa manière et dans son propre contexte».A contextes dissociés, revendications différentes. Pour l'opposition iranienne, qui n'a pas manifesté depuis un an, il s'agit de réaffirmer sa présence. Ses mots d'ordre dans les rues de Téhéran, saturées de gaz lacrymogènes, sont autant de réminiscences de la «vague verte» qui avait contesté pendant des mois la réélection frauduleuse du président Mahmoud Ahmadinejad en juin 2009. Mais il n'y pas que le président mal élu qui est vilipendé : le Guide suprême et «mur de soutènement» du régime des mollahs, l'ayatollah Ali Khamenei, est l'objet de lacis de manifestants qui l'associent dans leurs slogans aux autocrates déchus du Caire et de Tunis. Au Yémen, dirigé par Ali Abdallah Salah, recordman de longévité dictatoriale après le despote libyen dont le règne est daté au carbone 14, il s'agit d'accélérer le départ du satrape qui dirige le Yémen du Nord depuis 1978 et le Yémen réunifié depuis 1990. Acculé, le ploutocrate a déjà fait des concessions importantes : tout en laissant sa police réprimer violemment les manifestants, il a promis qu'il ne se représenterait pas en 2013 et a renoncé à imposer son fils comme successeur. Comme Hosni Moubarak avant d'être emporté par la crue du Nil. Plus au nord, sur les rives du Golfe, dans le petit émirat du Bahreïn, qui abrite la Ve flotte américaine, les manifestants ne réclament pas le renversement de la monarchie. L'opposition dans un pays à forte majorité chiite (plus de 70% de la population), dominé par un pouvoir sunnite, réclame plus de libertés politiques et des réformes, aspirant à une meilleure représentativité dans le gouvernement et le Parlement. La minuscule pétromonarchie est le ventre mou de la région du Golfe. Déjà en proie l'année dernière à des émeutes et batailles de rue dans les secteurs chiites, l'émirat se distingue par un marqueur religieux : la population chiite ultra-majoritaire est réprimée depuis toujours par le pouvoir minoritaire représenté par une dynastie sunnite qui accapare pouvoir et richesses. Même en Irak, pays ravagé par une violence terroriste endémique, libérée par l'occupation occidentale du pays, des centaines de manifestants ont réclamé hier des emplois et une réduction des coupures de courant dans des villes où la survie est un acte d'héroïsme au quotidien. Des groupes de jeunes sur Facebook ont appelé par ailleurs à une importante manifestation le 25 février. A Falloudjah, bourgade à l'ouest de Baghdad, environ mille manifestants ont défilé dans les rues.En Algérie, la Coordination nationale pour le changement et la démocratie en Algérie, dont la marche à Alger a été contrariée par un dispositif policier surdimensionné et surestimant le potentiel «subversif» des manifestants, veut visiblement ritualiser la protestation en faisant du samedi et de la place de la Concorde nationale, deux symboles forts du temps et de l'espace démocratiques. Au Maroc où le Palais royal a décidé de consacrer une enveloppe importante de 1,4 milliard de dollars au soutien des prix de denrées de base comme l'huile et le sucre, un groupe de jeunes facebookers a appelé à manifester pacifiquement le 20 février pour une «large réforme politique dans le pays». Les islamistes du PJD, associé au Parlement et à la gestion du mécontentement social dans le royaume, ont déjà déclaré qu'ils ne participeraient pas à la manifestation. N. K.