L'on ne peut évoquer le dernier film du réalisateur syrien, Joud Saïd, hors de ce contexte, « En attendant l'automne », produit par le centre public du cinéma, dépendant du ministère de la Culture. Projeté, en compétition, lundi dernier, à la salle Maghreb, il raconte l'histoire d'une femme qui découvre que l'officier de l'armée syrienne dont elle est follement éprise était un dissident. A sa grande stupeur, le dirigeant militaire lui-même est désorienté par une telle annonce diffusée sur facebook. Elle n'était autre qu'une manipulation visant à semer la zizanie au sein de l'armée En attendant la délivrance Tout au long des 113 minutes qu'a duré le long métrage, des scènes de joie et de tristesse alternent dans un décor de ruines. Film douloureux et poignant, il découle, contrairement aux habitudes, de scènes burlesques qui animent une œuvre chaleureusement saluée par une nombreuse assistance. Joud Saïd voulait décrire la gravité de la guerre, braquant sa caméra sur des scènes devenues habituelles aux yeux des Syriens et du monde ; brutalité de l'armée syrienne, envie des Syriens de vouloir contourner les affres de la guerre, en pratiquant le sport, comme la petite équipe féminine du volley-ball. Le film, d'après les critiques, s'apparente à l'œuvre du dramaturge irlandais, Samuel Beckett, « En attendant Godot ». Personne n'attend rien, ne perçoit aucun espoir à l'horizon. Mais tous admettent, par espoir de survie peut-être que la délivrance de la tragédie finira par arriver coûte que coûte. Que cela est même sûr. Une façon de « lutter contre la douleur par la joie et la mort par la liesse » comme proclamé par l'héroïne du film, Soulaf Faouakhardj : « Des tripes de la douleur naît le bonheur. » Le génie du réalisateur est aussi d'avoir réussi à créer un langage cinématographique original mêlant le rire, la tristesse dans un décor de guerre, de sang et de mort. Techniquement, le réalisateur apporte de nouveaux éléments donnant ainsi plus de suc à sa production, que ce soit sur le plan des caméras, de la lumière, de la musique et sa manière bien particulière de mettre en scène l'histoire. Grand absent du Festival, le réalisateur syrien a néanmoins chargé son représentant de lire au public non sans revenir sur le contexte présidant à la réalisation de son œuvre. « Nous avons commencé le tournage, en 2013, à l'époque où les Etats-Unis avaient menacé d'attaquer la Syrie. Le risque de continuer le travail était tel que nous redoutions de ne pas pouvoir achever les premières séquences. Nous avons convenu alors de poursuivre le tournage sous peine que nous passerons pour des traitres. Ce film a été fait par un groupe dont les membres venaient de plusieurs régions du pays. Nous nous sommes déplacés un peu partout comme une seule tribu en quête d'amour. C'est un film qui parle d'espoir », conclut-il. Présent dans la salle, le célèbre comédien syrien, Ayman Zidan, a tenu à défendre le cinéma et les cinéastes de son pays mobilisés pour défendre la « culture de la vie ». « Ce film, comme beaucoup d'autres productions, illustre la douleur et la tristesse d'une nation qui subit de plein fouet les complots et les défis », a-t-il clamé en rendant hommage à tous les cinéastes qui, selon lui, « travaillent dans des conditions très difficiles ».