Au-delà des informations contradictoires et des manipulations des images, les affrontements actuels entre pro et anti-Kadhafi confirment la partition de la Libye entre deux : l'Ouest, aux mains du Guide, l'Est, contrôlé par les rebelles. Mouammar Kadhafi a beau tenir bon et présenter, telle une rengaine, les insurgés libyens comme des éléments d' al Qaïda, il ne plonge pas moins, chaque jour, pieds joints et mains liés, la Libye dans une guerre civile. «On a tiré sur personne », dit-il dans une interview au JDD appelant les pays occidentaux à « choisir entre moi ou al Qaïda ». « Vous aurez l'immigration, des milliers de gens qui iront envahir l'Europe depuis la Libye. Et il n'y aura plus personne pour les arrêter. « Oussama ben Laden viendra s'installer en Afrique du Nord [...] Vous aurez Ben Laden à vos portes », les prévient-il. Il demande aux Nations unies et à l'Union africaine d'envoyer « une commission d'enquête » pour aller voir sur le terrain, sans aucune entrave et à la Ligue arabe de revenir sur sa décision de suspendre Tripoli. Pour contrer l'insurrection qui progresse vers Tripoli et reprendre le contrôle de certaines villes « perdues » comme Ras Lanouf, une ville pétrolière stratégique, Misrata, dans l'Ouest et Tobrouk, dans l'Est, Kadhafi qui ne souffle pas mot sur les 200.000 personnes qui ont fui les violences, sort les gros moyens. Au 20e jour de l'insurrection, il lance une contre-offensive avec ses chars et ses avions de chasse, en direction de Benghazi, deuxième ville du pays et rempart de l'opposition. Comme pour galvaniser ses troupes et fêter ces victoires, Tripoli organise une démonstration de soutien à Kadhafi après la récupération « controversée » de ces trois villes et…de Zaouia et Ben Jawad que les insurgés ont abandonnées samedi soir après avoir essuyé une contre-offensive à l'artillerie lourde et annonce la suppression des taxes sur des droits de douanes à l'importation de produits de première nécessité et la suppression des taxes à la consommation et à la production. Selon toute vraisemblance, les temps seraient à la reconquête de la ville de Brega, base pétrolière et grand terminal pétrochimique et d'Ajdabiya, à 60 km au nord-est de Brega, Au 20e jour de cette crise sans précédent dans la région, l'opposition ne désarme pas. Malgré les 6000 morts. Le « Conseil national libyen », instance dirigeante de l'insurrection, s'autoproclame « le seul représentant de la Libye ». La France salue cette « instance » et apporte « son soutien aux principes qui l'animent et aux objectifs qu'elle s'assigne ». L'Union européenne envoie à Tripoli une mission pour évaluer la situation humanitaire et les besoins d'évacuation des étrangers. Selon l'UE, cette mission rendra ses conclusions devant le Conseil extraordinaire que les «27» consacreront le 11 mars à la situation en Libye. Précision de Bruxelles : l'objectif de la mission sera de réunir des faits et non pas de négocier avec Kadhafi. La Grande-Bretagne reconnaît ouvertement son implication avec une unité des forces spéciales à Benghazi, aux côtés des insurgés. L'Italie, l'ex-puissance coloniale, monte au créneau. Elle appelle les Américains à ne pas se mêler des affaires de la Libye et à laisser faire les Européens. « Nous devons nous assurer que la Libye ne devienne pas un nouvel Afghanistan, mais il faudrait que les Américains se calment », déclare Roberto Maroni, le ministre de l'Intérieur italien.