Rien ne va plus en Syrie. Le calme précaire qui a régné au pays depuis le déclenchement des révoltes populaires dans plusieurs pays arabes a été de courte durée. Battant en brèche l'« exception syrienne » fortement soutenue jusqu'ici par le régime, mercredi, plus de 100 manifestants (10 selon les autorités) ont été tués par les tirs de la police à Deraâ (dans le sud), théâtre de manifestations sans précédent contre le pouvoir en place. On le savait. La brutalité du régime du président El Assad est légion. C'est même sa marque de fabrique. Mais la détermination des jeunes manifestants à revendiquer leurs droits à la liberté et à la justice aura eu raison des dirigeants du pays, pris de court et de panique par l'enlisement de la situation. Echec de la politique répressive ? C'est trop tôt pour le dire, même si le chef de l'Etat syrien tente de faire jouer la carte des « concessions ». Après avoir limogé le gouverneur de Darâa, et relâché tous les militants arrêtés lors des derniers « évènements », Bachar El Assad multiplie les signes de bonne volonté en direction de la rue. Jeudi, par la voix de sa principale conseillère, Bouthaïna Chaâbane, il a décidé d'un certain nombre de mesures dont certaines ne sont pas sans importance. Selon elle, la Syrie, qui juge les demandes de son peuple « légitimes » envisage d'annuler, une première, la loi sur l'état d'urgence en vigueur depuis 1963. L'Etat s'apprête, en outre, à mettre en place des mécanismes « efficaces » pour lutter contre la corruption, alors que l'agence de presse officielle, Sana, a annoncé une augmentation immédiate des salaires des fonctionnaires de 30%. Mme Chaâbane a cependant voulu faire la distinction entre les habitants de Deraa et « des gens armés sans aucune revendication » dont le seul but est de « causer des violences ». « Je peux dire de façon certaine que ceux qui sont visés ne sont pas le peuple de Deraa mais ceux qui veulent déstabiliser la sécurité à Deraa avant de déstabiliser la sécurité dans l'ensemble du pays », a-t-elle fait remarquer en faisant état d'une « enquête en cours » pour déterminer qui étaient les responsables de ces manifestations, non sans avoir évoqué un financement « étranger ». Finalement, les réformes annoncées en trombe n'ont pas, sur le champ, apaisé la tension. Hier, des petites manifestations ont eu lieu dans la capitale Damas et dans la région de Deraa. Après la prière, à la mosquée des Omeyyades, à Damas, des dizaines de manifestants sont sortis dans la rue vers le souk Hamadiyeh, en criant « Deraa, c'est la Syrie », « Nous nous sacrifierions pour Deraa ». La police a arrêté au moins cinq personnes. Les manifestants ont croisé des partisans du régime qui leur répondaient « Avec notre sang et notre âme, nous nous sacrifierons pour Bachar ». Mis à mal sur la scène internationale, en raison de son rapprochement avec l'Iran, en plus d'être le principal soutien du Hezbollah, le régime syrien fait l'objet de vives critiques depuis la révolte de Deraa. Le porte-parole de la Maison Blanche a déclaré jeudi que les Etats-Unis condamnent « la répression brutale des manifestations en Syrie, la mort de civils et l'arrestation des défenseurs des droits de l'homme ». La chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton a réclamé la libération immédiate des manifestants emprisonnés en Syrie et la fin de l'état d'urgence. Le Liban retient son souffle.