Les événements se précipitent. A la faveur du changement de la réalité du terrain, dominée par la progression fulgurante des insurgés et le recul des troupes de Kadhafi, la nature de la mission « ciblée et en train de réussir » pose avec acuité le rôle de l'Otan, l'invitée surprise de la guerre aux frontières de l'Europe. La reconquête d'El Ajdabia, de Brega, du secteur pétrolier de Ras Lanouf et de Ben Jawad, le pilonnage intensif de Syrte et de Sebha coupé du reste la Libye, ne laissent plus aucun doute sur la chute imminente du régime qui se prépare à des scenarii de départ. Des défections de nombreux diplomates et des chefs militaires se font jour. L'après-Kadhafi concentre les efforts de médiation de l'Union africaine, mobilisée pour trouver une solution négociée à la crise libyenne et assurée du satisfecit du département d'Etat américain. Cette issue quasi certaine se confirme par la profusion de plans de sortie. La fin des Al kadhafi relance le débat sur l'avenir de la coalition appelée à passer la main à l'Otan dans la conduite des opérations. Jusque-là, l'intervention de l'organisation atlantique se charge d'accomplir le mandat onusien instaurant la No Fly Zone et l'embargo maritime sur les armes. Mais, hier, des négociations se sont poursuivies pour que l'Otan prenne toutes les opérations en main. Des divergences ont éclaté au sein de la coalition. Le point le plus sensible réside dans la coordination des frappes au sol que rejettent systématiquement la Turquie, l'Allemagne et la Russie assimilant toute intervention de l'Otan comme étant une « occupation ». Dans le camp des coalisés, la fracture se fait sentir dans la prudence affichée par les Etats-Unis décidés de passer le relais à l'Otan, alors que la France, sous le prétexte de ne pas s'aliéner l'opinion arabe et de disposer d'une marge de manœuvre opérationnelle, milite pour un rôle majeur de la coalition dans les opérations de bombardement. L'autre sujet de discorde concerne le « pilotage politique » qui doit revenir, selon Paris, au « groupe de contact », regroupant les 12 pays participant à l'intervention. Soucieuse de minimiser le rôle « technique » de la « machinerie » de l'Otan, la position française ne fait pas l'unanimité. « C'est le Conseil de l'Atlantique Nord (ambassadeurs des pays de l'Otan) qui aura le contrôle politique de l'opération », commente un responsable de l'Alliance atlantique. La quête de leadership mine la coalition.