La loi sur l'information introduira les repères d'une charte déontologique. L'un des chantiers les plus importants qui s'ouvrira dans les prochains mois sera celui des médias. Le président de la République lors de son dernier discours avait consacré une large place à ce qui est devenu un critère de démocratisation des Etats et des sociétés. Personne ne peut imaginer ou concevoir de nos jours une démocratie qui briderait les libertés d'expression des journalistes. La presse est un enjeu vital pour l'approfondissement de la démocratie. Les professionnels applaudissent déjà la perspective de levée de pénalisation du délit de presse contenu dans le code pénal. C'est une ancienne revendication toujours mise en avant par les syndicalistes qui ont vu dans cette disposition une épée de Damoclès. Par la voix de son SG, M. Amarni, le SNJ se montre toutefois réservé. «C'est le code pénal qui prévoit ce genre de sanctions et non la loi sur l'information de 1990 partiellement appliquée qu'il faut réviser», estime-t-il. Le directeur de publication du quotidien la Tribune a un avis différent. «C'est une très bonne chose, soutient Bachir Chérif, car elle permettra aux journalistes de faire leur travail sans la menace qui pesait sur nombre d'entre eux». Pour Abrous Outoudert, directeur de Liberté, «c'est drôle et réconfortant en même temps que le Président parle de ce point. Drôle car c'est sous son mandat que la pénalisation du délit de presse a été introduite dans le code pénal mais aussi réconfortant car il se rend compte que ce n'est pas normal», observe-t-il en estimant que ce point a la même importance que la dépénalisation dans l'acte de gestion. «C'est une victoire que vient de remporter la profession», soutient M. Outoudert. Mais, déjà, des interrogations fusent. Dans un premier temps, la levée de la pénalisation pose un sérieux problème juridique. Elle est codifiée par la loi sur l'information et le code pénal. Selon Maître Baya Aksas, avocate au barreau d'Alger, «le législateur est obligé de revoir les deux textes en abrogeant dans une nouvelle mouture qui sera présentée à l'APN les articles susceptibles d'être annulés. Le Président peut aussi recourir à une ordonnance», précise-t-elle. METTRE DE L'ORDRE DANS LA PROFESSION La loi sur l'information introduira les repères d'une charte déontologique et complètera la législation actuelle, notamment à travers la dépénalisation du délit de presse. Beaucoup estiment toutefois que la loi 90-07 sur l'information d'avril 1990 est bonne. «Il suffit de l'adapter», affirme M. Bachir Chérif qui prône des états généraux de la presse où éditeurs, journalistes et pouvoirs publics aplaniront les problèmes. «Certes, les pouvoirs publics ont perverti certaines dispositions comme celle relative aux agréments de journaux mais la corporation porte sa part de responsabilité en matière de protection sociale des journalistes ou dans le détournement du comité d'éthique et de déontologie pour en faire un instrument de combat politique». Le journaliste d'El Djazair News, Mehdi Berrached, abonde dans ce sens. «Je crois, avant de parler des grands principes, qu'il faut mettre de l'ordre dans la profession où parfois des droits élémentaires sont piétinés, en un mot clarifier les relations entre le journaliste et son patron». La corporation est interpellée pour mettre de l'ordre dans ses rangs pour espérer des lendemains meilleurs. M. Abrous revient aussi sur cette loi de 1990. «Il faut, dira-t-il, arrêter les modalités de mise en œuvre de la révision de cette loi à laquelle on n'a pas fait respecter beaucoup d'articles dont les autorisations d'agrément, l'absence de textes réglementaires pour l'ouverture de la radio et de la télévision, la publicité, la publication obligatoire des bilans des entreprises de presse», explique-t-il. Chacun plaide pour associer les journalistes à l'élaboration de la future loi. Le directeur se veut plus précis. «Pour les modalités, il serait judicieux de confier la révision aux intéressés eux-mêmes, c'est-à-dire les journalistes (un par organe), les directeurs des médias qui seront assistés par des universitaires spécialisés et des juristes. Il appartient ensuite au Conseil constitutionnel d'apprécier et de conforter la conformité», recommande-t-il. Pour lui, un huis clos est nécessaire pour en sortir avec un texte de loi que Bachir Chérif voudrait «consensuel». Reste la question de l'ouverture des médias audiovisuels au privé. Le Président Bouteflika n'a pas évoqué cette question. La levée du monopole de l'Etat sur les médias audiovisuels n'est pas prévue dans un futur immédiat. Par souci d'éviter les dérapages dans une société très fragmentée, les pouvoirs publics tablent sur l'amélioration des entreprises publiques de presse. «Le paysage audiovisuel public sera renforcé par la création de chaînes thématiques spécialisées et ouvertes à toutes les opinions, dans leur diversité», dira notamment le chef de l'Etat. «Cela limite fortement la portée de ces réformes dans un contexte où l'impact des télévisions est le plus important pour influencer l'opinion», nous dit le professeur Djabi. Il ajoute que «cela est anachronique car les Algériens ne vivent pas sur une île mais voient que dans des pays, moins nantis que le nôtre, les citoyens ont une offre plus diversifiée de programme d‘information et de divertissement».