Mustapha Cherif est un penseur algérien soucieux du vivre ensemble. Philosophe, chercheur en sciences humaines et sociales, en relations internationales, expert du dialogue des cultures et des religions. Docteur d'Etat et Lettres en philosophie politique de l'Université de Toulouse, Docteur en sociologie de la Sorbonne. Professeur des Universités, à l'Université d'Alger. Il a été professeur invité au Collège de France. Cofondateur et coprésident du Groupe d'Amitié Islamo-Chrétienne. Il est membre des principaux forums mondiaux sur le dialogue interreligieux, de plusieurs associations méditerranéennes et internationales culturelles. Il collabore comme chercheur invité aux activités de l'Institut européen de la Méditerranée de Barcelone, de l'Observatoire de la Méditerranée à Rome, de la Bibliothèque d'Alexandrie et Directeur scientifique du Master international en études islamiques à l'Université ouverte de Catalogne. Auteur d'une centaine d'articles scientifiques, et d'une dizaine d'ouvrages portant sur les thèmes du dialogue des cultures, des religions et des civilisations, comme : «L'Islam à l'épreuve du temps» édit Publisud Paris, Paris 1991, «Islam Tolérant ou intolérant» édit Odile Jacob, Paris 2006, «Islam Occident» édit Odile Jacob, Paris 2006. Il vient de signer, à la librairie Tiers monde, Alger son livre «Rencontre avec le Pape», paru aux éditions Barzakh, en présence d'intellectuels et de medias. Modeste, il accepte volontiers de répondre à nos questions. Parmi les intellectuels arabes, vous êtes le seul que le Pape a reçu. Comment considérez-vous la portée de cette invitation ? Depuis le 11 septembre 2001, le monde occidental est atteint d'une sorte de délire envers le monde arabe et musulman. Puis, un discours a été prononcé par le Pape Benoît XVI, le 12 septembre 2006 à Ratisbonne en Allemagne. Ses déclarations faisaient l'apologie du christianisme en dénigrant l'Islam. Le monde musulman était choqué et offusqué. Il a aussi heurté beaucoup de chrétiens. En réaction à cette situation, j'ai pris l'initiative de rencontrer le Pape. Il m'a reçu et m'a écouté avec bienveillance et attention. C'est un homme de dialogue. Je tiens à dire que c'est un honneur, en tant que citoyen algérien, d'avoir contribué à changer l'image entachée de l'Islam. Le discours de Ratisbonne est-il réellement révolu ? A partir du moment où le pape a présenté ses regrets, je suis d'accord pour discuter. De toutes les façons, il n'y a pas d'autre alternative que le dialogue. La propagande du choc des civilisations est une diversion pour nous diviser et occulter les grands problèmes politiques du monde. Partagez vous l'avis de ceux qui disent que la posture anti-Islam fait recette ? C'est un piège qui occulte les stratégies en cours et les enjeux de demain. Depuis des années, nous tentons de sonner l'alerte, d'éveiller les consciences, d'attirer l'attention de tous pour éviter le contre sens. Je tenais à dire au Pape qu'il ne faut pas se tromper de thème et d'adversaire. Si on sait éviter les pièges, les combats d'arrière garde et les faux débats, il reste un avenir. Vous portez aujourd'hui sur un livre un message suite à cette entrevue. Quelle est la valeur de ce message ? Il n'y a pas d'avenir sans dialogue et sans respect du droit à la différence. Le monde occidental est dans une impasse. C'est par le dialogue et le débat que l'on peut retrouver une nouvelle civilisation commune. La mondialité et la mondialisation font que nous vivons dans un seul village, nous avons l'obligation de dialoguer, de communiquer pour pouvoir mettre les règles de droit qui nous permettent de vivre en paix et en justice. Le dialogue entre les religions est un thème que vous cultivez particulièrement. Pensez-vous aboutir à une meilleure compréhension et une meilleure entente des sociétés actuelles, étant donné les grands bouleversements qui secouent le monde d'aujourd'hui ? Ces mutations démontrent que le choc des civilisations est une propagande infondée. Mustapha Cherif, vous avez une grande audience intellectuelle et on vous voit souvent dans les tribunes audiovisuelles et universitaires. Sur le plan national où en est votre programme d'activité ? J'enseigne à l'Université d'Alger. J'écris des livres, des recherches scientifiques. J'apporte des contributions, j'anime des conférences, des colloques et des tables rondes. En ce moment, on assiste à des bouleversements dans le monde arabe et musulman. Est-ce un printemps dans la civilisation arabe et islamique ? Il est trop tôt pour tirer des leçons. Ces mutations sont en cours, ce qui est certain, c'est de rester à l'écoute de la jeunesse. En même temps, il faut faire preuve de vigilance, car il y a aujourd'hui des enjeux importants, car nous devons assurer la paix, la stabilité, la sécurité de nos sociétés en vue d'affronter les nouveaux défis. En tant que spécialiste et expert de la civilisation islamique, il y a actuellement le déroulement de la manifestation «Tlemcen, capitale de la culture islamique». Quelle est votre contribution à cet événement ? J'anime une conférence avant la fin de l'année à Tlemcen. Cette rencontre gravitera autour du dialogue des civilisations comme enjeu international démocratique. C'est quoi l'idéal pour vous ? Il faut se rencontrer. Il faut prendre la parole, il faut dialoguer. Il faut se connaître. Nous ne devons pas laisser les extrémistes de tout bord nous diviser. Les populations du monde entier ont soif de dialogue et de paix.