L'heure a sonné pour Zine El Abidine Ben Ali et son épouse Leïla Trabelsi. Ils doivent, à partir d'aujourd'hui, s'expliquer devant la chambre criminelle du tribunal de première instance de Tunis, qui ouvrira la première d'une longue série d'actions en justice intentées contre les ex-intouchables. Au total, les autorités ont annoncé 93 chefs d'accusation contre Zine El Abidine Ben Ali et ses proches, dont 35 seront déférés devant la justice militaire, notamment des accusations d'homicides volontaires et des cas de torture, passibles de la peine de mort, commis durant «la Révolution du Jasmin» (entre le 17 décembre 2010 et le 14 janvier 2011). L'institution tunisienne des avocats, suite à une demande formulée par le président de la Cour préliminaire de Tunis a, néanmoins, désigné Mohammed Rachad El-Fari et Abd El-Settar El-Massaoudi pour assurer la défense de l'ancien président et de son épouse au cours de leur procès. Mais Me El-Fari a fait savoir qu'il refuserait de plaider pour l'ex-président. Dans un entretien au quotidien La Presse, il a expliqué sa décision en invoquant, notamment «sa profonde foi dans les principes de la révolution», soulignant que les droits de la défense seraient préservés car cinq avocats ont été désignés d'office. Dans ce premier volet des actions au civil, ils seront poursuivis, suite à la découverte de grosses sommes en liquide, dont 27 millions de dollars, des bijoux, ainsi que d'armes et de stupéfiants dans les palais de Sidi Bousaïd et Carthage. Réfugié en Arabie Saoudite, l'ancien homme fort de Tunisie sera, toutefois, dispensé du banc des accusés, Ryad refusant toujours son extradition. D'ailleurs, à la veille de l'ouverture de son procès, Ben Ali a contesté les accusations qui pèsent contre lui. Le 6 juin, pour la première fois depuis sa fuite de Tunisie, M. Ben Ali avait, lui-même, qualifié le procès de «mascarade», via son avocat français Jean-Yves Le Borgne. Il a, une fois encore, contesté ces accusations par le biais de son avocat libanais Me Akram Azouri. «M. Ben Ali conteste vigoureusement toutes les accusations», a-t-il écrit dans un communiqué, soulignant «n'avoir jamais eu en sa possession les sommes d'argent que les autorités affirment avoir découvertes dans son bureau», dans un de ses palais. Le président déchu rejette aussi les accusations de détention d'armes à feu et de stupéfiants. «Ces armes qui ont été prétendument découvertes sont des fusils de chasse et des cadeaux offerts par des chefs d'Etat lors de leur visite en Tunisie», a-t-il encore affirmé, qualifiant de «mensonge honteux» l'accusation de détention de drogue. Selon un membre de son entourage, l'ex-président voit dans ce procès «l'illustration d'une justice des vainqueurs bâtie sur de fausses accusations». A ses yeux, ce procès «n'a pour but que de détourner l'attention des Tunisiens des troubles qui agitent le pays», a affirmé ce proche de Ben Ali, qui a précisé que l'ex-Président nie en bloc avoir eu connaissance de la présence de drogue au palais de Carthage. Il affirme, selon la même source, que les armes et les bijoux trouvés dans le palais de Sidi Bousaïd étaient des cadeaux de dirigeants étrangers à sa personne et à son épouse, et récuse avoir caché des sommes en liquide, ajoutant que pour lui il ne s'agit que de «preuves fabriquées» pour le faire condamner. Enfin, devant le tribunal de première instance de Tunis, Zine El Abidine Ben Ali ne sera jugé par contumace que pour une petite partie des affaires instruites contre lui. Ben Ali devra aussi faire face à la justice française. A Paris, le parquet a, en effet, ouvert samedi une information judiciaire pour blanchiment d'argent contre M. Ben Ali pour identifier et geler ses biens en France.