Une semaine après la répression sanglante (157 morts et 1200 blessés selon l'organisation de défense guinéenne des droits de l'homme, 150 selon l'ONU) de la manifestation pacifique de l'opposition, le président de la CEDAO (Communauté économique des Etats indépendants de l'Afrique de l'Ouest), Blaise Comparé, se rend à Conakry pour tenter une médiation. La mission africaine, privilégiant l'apaisement et le retour au calme, participe d'une volonté d'œuvrer à un dénouement pacifique de la crise guinéenne. «Bonne chance au médiateur», expose une banderole déployée par les Burkinabés de Conakry. La Guinée prête pour le grand défi démocratique ? Le «septembre noir » de l'histoire guinéenne, gravé dans la mémoire collective, a ravivé les vieux démons de l'instabilité chronique, alimentée par la poursuite des méthodes répressives d'un autre âge. Lors du carnage commis au stade de Conakry, le langage des armes a prévalu dans un climat de tension politique et de graves exactions (viol, maltraitance, pillage, humiliation…). Le message musclé du pouvoir militaire, attaché à minimiser la portée de la dérive sanguinainaire, reproduit l'héritage d'un pays en déliquescence. Il s'interprète désormais comme une déclaration manifeste de candidature à la présidentielle de janvier prochain qui efface les belles promesses de changement démocratique et pacifique. Dès son avènement au pouvoir, à l'issue du coup d'Etat mettant fin à l'ère Conté (1984-2008), la succession du capitaine Moussa Dadis Camara portait l'espoir d'une transition démocratique. Tout en proclamant sa volonté de ne pas se porter candidat à la présidentielle de janvier, le nouveau maître de Conakry a annoncé un vaste programme de rénovation qui prône la nécessité des «élections libres» et la lutte contre la corruption. Vœux pieux ? La réalité du terrain consacre la prédominance de la force sur les attentes démocratiques légitimes. Le pouvoir militaire guinéen, applaudi à son arrivée par Paris et concluant désormais à l'impossibilité de travailler avec Camara (dixit le ministre français des Affaires étrangères), entend perpétuer un héritage sanglant honni au moyen de la diversion usant, pour les besoins de la cause, des vieilles recettes des périls extérieurs subversifs, des tripatouillages des urnes et des Constitutions. De la Mauritanie à Conakry, le destin de l'Afrique unie, bannissant au dernier sommet de l'OUA le recours à la violence pour se maintenir ou conquérir le pouvoir, a sérieusement mal dans le choix de la bonne gouvernance. Le refus de ce mode de rupture fondé sur la primauté de la légalité constitutionnelle, pourtant inscrit dans le mécanisme d'évaluation par les pairs (Maep) et sollicitant une implication active de la société civile africaine et de son intelligentsia basée à l'étranger, est un coup sévère à la crédibilité de la nouvelle Afrique qui combat l'afro-pessimisme et entend s'imposer en interlocuteur valable dans la société internationale. «L'Afrique centrale est la région affichant les moins bons résultats dans chacune des quatre catégories. Les sept pays d'Afrique centrale sont en dessous des 20 premiers pays, tous en dessous de la moyenne du continent, à l'exception du Gabon», poursuit le rapport de la fondation Mo Ibrahim 2009 établissant un classement des pays d'Afrique selon le niveau de leur gouvernance. Triste bilan.