Il y a longtemps qu'on n'a pas vu pareille frénésie commerciale. Des tee-shirt, des posters, des CD et toutes sortes de gadgets sont déjà sur les étals. Il ne fait pas l'ombre d'un doute que la Coupe du Monde n'aurait pu acquérir ses lettres de noblesse comme sport favori, rendez-vous mondial, compétition qui mobilise le ban et l'arrière-ban s'il n'avait fait jonction avec le monde des affaires. Le foot désormais draine une véritable bourse des affaires, fait vivre toute industrie. Il n'y a qu'à voir la furie qui bien avant le jour «J» s'empare des grands équipementiers, des agences publicitaires. Tractations sur le sponsoring, sur les droits de retransmission télévisuelle. Ce sont des milliards de dollars que se partagent les grandes multinationales à l'occasion de ce genre de manifestation. Chez nous, quelques affairistes sont sur la brèche. Tout ce qui évoque la Coupe du Monde et l'aventure des Verts fait l'objet d'une exploitation commerciale qui ne laisse pas indifférent l'homme de la rue. Des survêtements aux couleurs de notre onze, des maillots, des porte-clefs, des brassards, des posters, des écharpes et même des bonnets sont proposés par des revendeurs occasionnels, les magasins officiels s'y mettent timidement pour ce marché qualifié de «juteux mais occasionnel». «Il n'y a pas de factures», explique un vendeur d'habillement. C'est «un peu risqué». Les souvenirs sont proposés entre 600 et 1200 DA pour un maillot, 100 DA pour l'emblème national de petite dimension. Certains moralistes éprouvent de la gêne, «en principe, ça n'a pas de prix». Mais les survêtements pour enfants, l'emblème national sont les plus prisés. Ils marchent bien. On se tait sur le fournisseur, les plus «cools» vous renvoient aux grossistes habituels. D'autres vous disent carrément de «ne pas gâcher la fête», de «ne pas jouer les rabat-joie». Il faut laisser les jeunes «se désaltérer», en un mot étancher leur soif festive. On ne dit plus rien, y compris le manque à gagner du Trésor, car ce sont des produits qui échappent à la moindre taxe. Si au moins nos ateliers ont pu faire tourner leurs machines. Récemment, quelques couturières ne manquent pas de plan de charge, à part les tabliers de la rentrée commencent à s'y intéresser mais craignent «la concurrence des grands» et des grossistes avec qui elles n'ont pas encore tissé des relations d'affaires. Autant dire, à notre grand regret, que la plupart de la marchandise nous vient directement de Chine où la capacité des industriels à s'adapter face à la crise et aux quotas qui frappent leurs produits textiles en Europe, est étonnante. Il y a bien longtemps que ces produits ont fait leur apparition sur le marché avec les premiers matches de l'EN en tours éliminatoires. Comme si on a le pressentiment que le voyage allait être long. Les Algériens sont férus de produits sportifs avec les premiers maillots achetés de leurs idoles que sont les Zidane, Romario ou Ziani. Il y a même eu des valises pleines qui sont allées outre-mer pour nos immigrés et pour nos étudiants un peu partout dans le monde. Les prix ont connu une légère hausse au fur et à mesure que les préparatifs montaient d'un cran. «La Coupe du Monde c'est pour les Algériens un événement à marquer d'une pierre blanche», nous dit un jeune qui a tout mis au vert y compris sa petite Coccinelle qui a maintenant un look plus jeune. « Dommage que l'on n'avait pas cette aubaine pour marquer les épopées des Verts en 82 (en Espagne) et en 86 (à Mexico)», opine son voisin deux fois plus âgé que lui. A l'époque, seuls les survêtements de l'ex-Sonitex avaient cours et «il fallait beaucoup de chance pour s'en procurer», raconte un autre en train d'ajuster le maillot du onze sur le corps frêle de son petit.