De retour en Egypte, l'ancien patron de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Mohamed El Baradei, se présente en alternative crédible au règne quasi-trentenaire, néanmoins finissant, de la dynastie des Al Moubarak. Accueilli par des centaines de militants de l'opposition et des figures de proue de la société civile dont le romancier Alaa El-Aswani, le candidat de la démocratie véhicule l'espoir de changement dans un pays qui se refuse à la fatalité de la succession héréditaire de la caste au pouvoir en alliance avec les milieux d'affaires». El Baradei va demander des comptes aux voleurs», a scandé la foule convaincue de la nécessité d'une alternance pour soigner les 7 plaies d'Egypte : la corruption, l'enrichissement d'une minorité (la fortune des Al Moubarak estimée à 40 milliards de dollars), l'endettement (31 milliards de dollars) du «pays africain le plus endetté», la paupérisation de masse, l'analphabétisme (51% de la population), le chômage et la crise de logement. Précédé d'une aura internationale, faite de compétence et d'intégrité morale et politique, le nobélisé se veut l'instrument du changement» qui impose la nécessaire refonte constitutionnelle. «Je suis prêt à me lancer dans la vie politique égyptienne à condition qu'il y ait des élections libres et le premier pas dans cette direction est un amendement de la Constitution afin que je puisse me porter candidat et que d'autres puissent faire de même», a-t-il déclaré.A la croisée du chemin, l'Egypte qui se mobilise à une transmission du pouvoir de père en fils se place en porte à faux avec les exigences de la démocratisation imposées dans la région et la revendication de la société égyptienne en butte à la mal-vie grandissante et aux pires frustrations. Lorsque le pouvoir dynastique voit dans l'alternative El Baradei une menace réelle pour la survie du régime à bout de souffle, la dérive hégémonique représente indéniablement un risque d'instabilité pour l'avenir confisqué de l'Egypte institutionnelle maintenue en coupe réglé sous la domination des castes. La refonte constitutionnelle qui lève le verrou et l'hypothèque d'une représentation ouverte et plurielle est fondamentale pour autoriser une compétition régulière et loyale que ne permettent aucunement l'emprise totale du parti au pouvoir et les conditionnalités draconiennes de participation aux élections. Dans le jargon populaire algérien, le jeu hermétiquement fermé des maîtres du Caire s'apparente à l'imagerie traduite par «le joueur Hamida et le compteur (racham) Hamida». Toutes formes d'alternance complètement bannies, le renouveau démocratique est de ce fait compromis par la persistance des forces de l'inertie. Le ticket El Baradei hante les nuits du Caire en précurseur de la nouvelle ère. L'homme, honoré il y a plus de 4 ans par la plus haute distinction «la médaille du Nil», est le nouveau paria politique. C'est donc dans un climat d'hostilité, marqué par le boycott de la presse gouvernementale et l'arrestation des militants du mouvement du 6 Avril acquis au choix de sa candidature, qu'il a été reçu en invité indésirable. Le feuilleton égyptien qui nous réserve d'autres rebondissements hitchcockiens peut alors commencer.