L'irruption d'El Baradei et du patron des « moukhabarates », Omar Souleimane, qui aurait l'onction des Américains, pourrait sonner le glas d'une dynastie naissante. La République familiale, voire héréditaire en Egypte, risque de tourner court, au grand dam de Gamal Moubarak, le fils de son père, qui s'échauffe depuis quelque temps déjà pour succéder, par les liens - presque sacrés en Egypte - du sang. Pour cause, un invité surprise risque de gâcher la fête annoncée de transmission du pouvoir du père au fils Moubarak à l'occasion de l'élection présidentielle de 2011. Il s'agit de la figure internationale, Mohamed El Baradei. L'ex-chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a, en effet, déclaré hier qu'il envisagerait de briguer la présidence égyptienne en 2011, à condition que « le processus électoral soit démocratique ». Voilà qui risque de troubler le sommeil des « Al Moubarak » qui croyaient avoir réglé définitivement la succession au trône. Et c'est une candidature de poids qui bénéficierait de grands soutiens en Egypte où le peuple, écrasé par les décennies Moubarak, voudrait une personnalité charismatique capable de relever le niveau de vie des citoyens. Ghaza ou le 2e Camp David Ceci, d'autant plus que l'image de Moubarak et son clan est sérieusement écornée par ses accointances avec Israël dans un pays qui se dit être le cœur palpitant du monde arabe et musulman. La guerre dévastatrice contre les Palestiniens de Ghaza a été vécue en Egypte comme un autre Camp David avec l'occupant israélien. Cela est d'autant plus vrai que la diplomatie du « Raïs » est articulée sur ce postulat que le triomphe de la cause palestinienne est entre les mains du Caire. Or, force est de constater que les dirigeants d'Israël se jouent de l'Egypte, parraine du processus de paix, comme une poupée qu'ils humilient ou amadouent selon les contingences du moment. Au plan interne, l'héritage de Moubarak est très lourd à porter tant des pans entiers de la société égyptienne vivent dans le dénuement total. Il suffit de rappeler les fameuses émeutes du pain et du café qui avaient ébranlé ce pays en 2007. Mohamed El Baradei sait donc que le peuple veut du sang neuf. Mais il sait aussi où mettre les pieds. Il pose déjà ses conditions : « Le processus électoral doit se dérouler comme dans les pays démocratiques et être entièrement supervisé par un organisme national indépendant », souligne le prix Nobel de la Paix en 2005, après des informations sur des irrégularités lors des élections de 2005. M. El Baradei, 67 ans, qui vient de quitter son poste après douze ans à la tête de l'AIEA, indique suivre de près les appels à sa candidature à la présidentielle, mais affirme vouloir « des assurances d'équité », selon le journal indépendant égyptien Al Doustour. M. El Baradei demande également la présence « d'observateurs de l'ONU pour garantir la transparence » du scrutin et une réforme de la Constitution pour permettre à « tous les Egyptiens » de poser leur candidature. La Constitution doit être « basée sur les libertés et droits de l'homme convenus internationalement ». La volonté d'El Baradei de mettre fin à la fatalité des « Al Moubarak » est saisie au vol par les partis de l'opposition. Des membres du Parti libéral Al Wafd se sont proposés d'intégrer M. El Baradei dans l'instance dirigeante du parti afin qu'il puisse se porter candidat. La loi égyptienne prévoit, en effet, la possibilité de se présenter pour les personnes membres, depuis au moins un an, d'une instance dirigeante d'un parti fondé au moins cinq ans avant les élections. Mieux encore, des médias indépendants et des groupes de soutien sur les réseaux sociaux du Net appellent les Egyptiens « à voter El Baradei ». Il faut dire que l'ex-patron de l'AIEA a bien choisi l'annonce de son intention de briguer la présidentielle à une année pratiquement du scrutin. Il pourrait d'ailleurs surfer sur la récupération politicienne, par le clan Moubarak, d'un simple match de football avec l'Algérie et sa gestion diplomatique pour la moins haineuse de l'après-match pour garder le soutien du peuple égyptien pour lui ou pour son fils. En effet, à 81 ans, Hosni Moubarak pourrait être tenté par un sixième mandat à défaut de pouvoir introniser son fils Gamal. Mais l'irruption de Mohamed El Baradei et du patron des « moukhabarates », Omar Souleimane, qui aurait l'onction des Américains, pourrait sonner les glas d'une dynastie naissante.