La décision d'Israël d'inclure deux lieux saints situés en Cisjordanie dans son patrimoine national, inquiète toute le monde. La directrice générale de l'Unesco, Irina Bokova, est inquiète. Elle déclare s'associer à la déclaration de Robert Serry, coordonnateur spécial des Nations unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, selon lequel ces sites ont « une signification historique et religieuse non seulement pour le judaïsme, mais aussi pour l'islam et la chrétienté ». Sous la pression des colons messianiques, de ses ministres les plus à droite et du Shass, un parti religieux et sépharade, Benjamin Netanyahu, le Premier ministre israélien accepte de jouer au maître pyromane. Il prend une décision qui rappelle le feu vert qu'il avait donné, en septembre 1996, à l'ouverture d'un tunnel archéologique dans la vieille ville d'El Qods, qui avait provoqué des émeutes et des dizaines de morts. Cette fois-ci, il a ajouté sur les listes du Patrimoine historique israélien, le caveau des Patriarches (Mosquée du prophète Ibrahimi El-Khalil) et le tombeau de Rachel, (mosquée de Bilel Ben Rabeh) deux sites qui appartiennent au patrimoine religieux et culturel de la Cisjordanie — donc du futur Etat de Palestine — et qui ont une signification historique pour les chrétiens et les musulmans. La réaction des Palestiniens, qu'ils soient de Hamas ou du Fatah, ne s'est pas fait attendre. Ils parlent, à l'unisson cette fois, d'une nouvelle provocation et menacent d'une nouvelle guerre de religions qui pourrait enflammer la région. « La décision israélienne ne peut que renforcer le caractère religieux du conflit », prévient Ghassam Khatib, un autre responsable palestinien. « C'est une provocation pour les musulmans dans le monde », proclame Saëb Erakat. Yasser Abed Rabbo ne fait pas dans la politesse. Netanyahu révèle, dit-il, que son « gouvernement de droite ne veut pas la paix ou de négociations sérieuses ». Ismaïl Haniyeh, le chef du gouvernement du Hamas à Ghaza, saisit cette aubaine pour monter au créneau. Il demande aux Palestiniens de Cisjordanie occupée de « se soulever » pour défendre ces lieux saints. Pour la cinquième journée consécutive, la Cisjordanie qui se souvient que cette décision a été prise 16 ans jour pour jour après le massacre du Haram El Ibrahimi (29 morts et 150 blessés parmi les fidèles) perpétré par le Dr Baruch Goldstein, un officier de l'armée. Les Israéliens s'interrogent si Netanyahu devait « ouvrir une telle boîte de Pandore, à l'heure où le monde attend une reprise des négociations de paix entre Israël et les Palestiniens ». Les plus à gauche l'accusent « de n'avoir rien appris du passé » et d'avoir cédé à l'extrême droite et au lobby des colons. Comme les Palestiniens, qui ont dénoncé cette appropriation de sites « d'un territoire occupé » et refusé « d'entrer dans une guerre religieuse », la Ligue arabe est montée au créneau. Elle a souligné, jeudi, « l'illégitimité » de toutes les décisions prises par Israël pour imposer sa politique du fait accompli, qualifié ces décisions de « nulles et non avenues » et appelé le Conseil de sécurité et le Quartette à « garantir la sécurité des civils palestiniens » face aux agressions israéliennes. L'Organisation de la conférence islamique demande aux institutions internationales (Conseil des droits de l'homme, Unesco et Quartette pour le Proche-Orient, pays dépositaires de la Convention de Genève) de « prendre les mesures urgentes » pour contraindre Israël à revenir sur sa décision « agressive, provocatrice et irresponsable », selon l'expression de l'ambassadeur de Syrie à l'ONU, Bachar Jaafari. Même les Américains ont condamné la décision de Netanyahu qu'ils assimilent à une provocation « qui n'aide en rien à atteindre l'objectif : réunir les deux parties autour d'une table ». Pour eux, elle pourrait mettre en péril le processus de paix à moins de trois semaines de « l'ouverture des négociations indirectes ».