L'eau, par qui arrive la vie, est devenue cette denrée rare surnommée l'or bleu. Elle fait et défait les événements. Dans toutes les crises mondiales, elle a servi d'enjeu incontournable, pour rétablir l'équilibre de l'écosystème. On lui vaudra toute l'attention possible pour la rehausser au rang de matière culte. Son usage domestique dans les bains maures fut de tout temps une valeur socio culturelle dans notre société. Plus de cent hammams datant de la période ottoman ont été recensés dans la Casbah. C'était de véritables stations thermales, blotties dans une architecture mauresque, avec des fontaines et bassins individuels. Dans ce plus beau décor aquatique, on reconnaît la patte du ‘'seigneur des anneaux'', celui qui arriva à greffer l'art othoman à l'art andalou. Le tout puissant architecte Sinane, dans ses envolées artistiques a donné le ton à l'art mauresque pour le mettre au goût du jour. L'âge d'or de cet espace socio culturel a fait la grande réputation d'El Djazair. On y venait discrètement faire trempette dans le bain maure aux effluves chatoyants du jasmin et de l'ambre. C'était un lieu de prédilection pour sceller les bons rapports entre les gens. Même les marieuses étaient de la partie pour tisser les alliances. Toutes les heures, les évènements sont célébrées dans ces sacrés sanctuaires aquatiques. Le très cérémonial bain prénuptial accompagné de proches, libéré des voix joviales pour bénir les nouveaux élus. On ne rentre pas comme en sort d'un bain, on est pris en soin par le Qessal (Masseur) qui vous décrasse à fleur de peau. Dans l'anti-chambre de repos, on a droit à une exquise séance de mise en forme par des sessions de mise en train. Enfin, une fois arrivé sur le patio, le beau final d'un massage à la paraffine vous entraîne dans le conte des mille et une nuits. On ne quitte pas les lieux sans avoir siroté un verre de thé. Le dernier de ces temples thermaux, c'est celui de l'Ilot de Sidi Ramdhan même que le Dey Hussein est venu prendre le bain royal, lors de son inauguration. Dans chaque quartier existait un bain maure pour les besoins sanitaires de la population. Le Beylik s'assurait rigoureusement que les lieux de stockage d'eau sont régulièrement alimentés par les «Guerabs» El Djazair baignait dans le faste légendaire princier. Aujourd'hui, signe des temps, les bains maures retrouvent un autre aspect rigide ne répondant guère aux normes anciennes. On vient au hammam juste pour une toilette. La réhabilitation de ces lieux publics est à prendre au sérieux. On ne peut réussir la restauration du vieil Alger sans ces espaces sanitaires qui plaident pour un retour aux traditions. Il reste toutefois dans la basse Casbah, 5 anciens hammams qui résistent un tant soit peu, aux risques de destructions. Le comité de sauvegarde de la citadelle, dans son programme de restauration des sites a déjà invité les propriétaires de Hammams à s'investir dans le projet Unesco pour réhabiliter ce patrimoine. Pour certains, dont le bien est tombé sous le coup de la Freda, ils préfèrent prendre le large et laisser les pouvoirs publics prendre le relais. Pour d'autres, tels que monsieur Kerbadj, propriétaire de père en fils, les travaux de réhabilitation et restauration, se font en douceur, tout en continuant à accueillir sa fidèle clientèle dans la chaude ambiance des anciens.